Rénovation des Bains du Centre
En 2024, la Ville de Bruxelles entreprendra la rénovation totale du bâtiment des Bains du Centre, rue du Chevreuil. Cela se fera dans le respect de ce patrimoine classé, mais s’étalera sur une période de trois ans, ce rythme lent (et coûteux) permettant de garder les installations ouvertes pendant les travaux. Il y aura cependant quelques (courtes) interruptions.
Les Bains du Centre ont été construits à l’emplacement de l’impasse Sainte Véronique de 1949 à 1953 dans un style moderniste. Cette parcelle étroite présentait une difficulté : comment y placer deux bassins de natation et des installations de bains/douches ? L’architecte Maurice Van Nieuwenhuyse s’est inspiré d’une solution appliquée avant guerre à la piscine de la Sauvenière, à Liège, et a superposé le grand bassin (5e étage) à la piscine d’apprentissage (3e étage), les bains/douches étant établis au rez-de-chaussée.
Mais la piscine de la Sauvenière a été désaffectée (c’est devenu le centre d’arts La Cité Miroir). Elle a été construite de 1938 à 1942 dans un style Arts déco tardif, à une époque où on ne maîtrisait pas encore parfaitement la technique du béton armé. Tandis qu’après guerre, cette technique avait bien évolué, ce qui a été mis à profit aux Bains de Bruxelles où l’ingénieur-conseil Boris Bouloukhere a pu imaginer des solutions structurelles élégantes. N’oublions pas non plus que l’immeuble compte trois niveaux de sous-sols. En effet, les immenses chaudières étaient à l’origine alimentées au charbon, livré par la rue des Capucins, et véhiculé dans les caves par des wagonnets sur rails.
C’est l’équipe de l’architecte Pierre Hebbelinck qui a été chargée de la rénovation. Celle-ci a confié à Jos Vandenbreeden (ex-Sint Lukas Archief) une recherche historique sur l’origine du bâtiment et son évolution. Le collectif Pavé dans les Marolles a suggéré l’édition d’un ouvrage pour mettre cette intéressante étude à la disposition du public.
Une maquette pédagogique, démontable et sectionnable (voir photo) a été présentée, et permet de bien faire comprendre la disposition interne du bâtiment, ses principes constructifs, et les intentions des architectes. Lors de cette présentation, on a aussi pu se rendre compte que l’équipe des architectes avait accordé beaucoup d’attention à l’écoute des besoins des utilisateurs les plus divers, ainsi qu’à ceux du personnel, y compris d’entretien.
Une directive essentielle était de rendre l’ensemble des installations accessibles aux personnes à mobilité réduite (PMR), à tous les étages. Les architectes ont pu y satisfaire à force d’ingéniosité, bien qu’il s’agisse d’un immeuble classé. On constate aussi qu’un réel effort a été entrepris pour permettre l’entrée de la lumière naturelle jusqu’au cœur du bâtiment. C’est ainsi que l’ascenseur a été déplacé vers le côté droit, pour dégager entièrement la cage d’escalier, laquelle peut dès lors fonctionner comme puits de lumière. De même, des puits de lumière ont pu être exploités dans les façades latérales, malgré qu’il s’agisse d’une parcelle ingrate, enclavée dans le bâti environnant.
Une grande attention a aussi été portée au confort acoustique dans les bassins de natation (les cris d’enfants, ça va un moment, mais ça devient vite agaçant). Y contribuent le doublage du plafond par une structure transparente et des rangements latéraux, lesquels ont en outre l’avantage de faire disparaître les accessoires disparates tels que bouées, etc.
Une salle de repos/réfectoire unique, commune à toutes les catégories de personnel, y compris les moniteurs de l’Instruction Publique contribuera à renforcer les collaborations internes. Des locaux actuellement sous-utilisés (salle polyvalente au 3ème étage) seront ouverts aux associations du quartier (NB : il faudra le vérifier dans la pratique quotidienne, cela dépendra beaucoup de la gestion de l’administration).
Au rez-de-chaussée, le public aura accès à toute la longueur du bâtiment. En fait, une sorte de « rue interne » existe, qui relie en ligne droite l’entrée de la rue du Chevreuil à celle de la rue des Capucins. Cette « rue interne », dénommée « tiers-lieu » par l’architecte, sera dotée de tables et de chaises pivotantes, attachées au mur, pouvant servir de salle d’attente aux accompagnants ou même de salle d’étude aux étudiants mal logés du quartier.
La cafétéria du 5ème étage sera agrandie par le déplacement latéral de la cuisine attenante, et donnera accès à une terrasse inexploitée actuellement, offrant une belle vue sur la place du Jeu de Balle. Point d’attention : il nous faudra veiller aux dérives privatives comme nous en avons connu naguère (voir Pavé dans les Marolles #4 « Hold-up à la piscine du Jeu de Balle » et #5 « Chasse au trésor à la piscine ! »).
Concernant les vestiaires de la piscine, les Bains passeront à un système de casiers, et les cabines serviront désormais uniquement de lieu de change. Le personnel sera ainsi déchargé de la tâche d’avoir à aller et venir pour ouvrir et fermer les cabines, afin de se concentrer sur ses tâches d’entretien et servira le public derrière un nouveau guichet placé dans les anciens comptoirs à linge, qui seront restaurés.
Les baignoires seront supprimées aux bains-douches, mais c’est au profit de cabines de douches plus spacieuses, pouvant accueillir des familles, même PMR. Louable attention portée aux utilisateurs les plus précaires : sans-abris, sans papiers.
Quand c’est bien, il faut pouvoir le dire aussi.
Patrick Wouters