Sombres projets pour 19 ménages marolliens foutus à la porte
En 2023, huit immeubles des rues St-Ghislain et de Nancy sont rachetés en lot à la famille De Prins par la société Darc Project. Ces immeubles sont tous loués à bon prix à des occupant·es historiques, pour la plupart aux faibles revenus et âgé·es. La plus ancienne locataire a 90 ans et loue depuis 60 ans ! Darc Project revend à la découpe les appartements, parfois après rénovations, et cherche pour cela à faire déguerpir les locataires. Un nouvel exemple flagrant de gentrification, aux conséquences sociales dramatiques.
Au moins 19 ménages sont concernés par la vente, et au moins 10 d’entre eux ont reçu un préavis. Artistes, pensionné·es, sans-papiers : la majorité des locataires n’ont que de faibles revenus, et au moins 8 d’entre eux ont plus de 70 ans ! Avec l’augmentation des loyers et la crise du logement qui touche de plus en plus durement les bruxellois.es modestes, beaucoup sont dans l’incapacité de se reloger endéans les délais légaux d’un préavis de 6 mois. Pourtant, la société Darc Project refuse de prolonger les baux ou les préavis (par exemple en cas de grand âge et de maladie), et continue les démarches en vue d’expulser les locataires. Ils n’hésitent pas à pratiquer des manières de faire inadéquates envers les locataires (démarches de vente menées en même temps qu’un préavis pour rénovation, informations parfois erronées dans les courriers, candidats à l’achat venant visiter sans avertir les locataires, tentative d’entrer dans les logements en l’absence des locataires, etc…), à faire recours à l’intimidation, même face aux personnes âgées, les menaçant notamment de « tout casser ». Autant de familles qui seront maltraitées, vivront dans la peur des mois durant et seront finalement violemment déracinées de leur quartier et de leur quotidien, uniquement pour que des promoteurs immobiliers s’enrichissent davantage.
Le quartier des Marolles fait l’objet de fortes pressions immobilières. En 2023, les locataires des 13-15, 29, 31-33 et 35 de la Rue de Nancy et des 8, 10, 12 et 14 de la Rue St-Ghislain, en plein cœur des Marolles, apprennent la vente de leurs immeubles. Les anciens propriétaires sont issus de la famille De Prins qui a fait fortune en créant le célèbre Palais des Vins, en plein cœur de Bruxelles. Anciennement propriétaires de tout l’îlot, qui servait de logements pour les ouvriers du Palais, ils sont contraints à la vente pour des raisons familiales. Yves De Prins, l’un des frères qui organisait les locations, pratiquait des loyers modestes, et était particulièrement apprécié des locataires, qui n’ont jamais été priés de partir. Des exemples de loyers : entre 300€ pour un studio à 475€ pour un logement sur trois étages !
Les immeubles sont vendus à la société de promotion immobilière Darc Project, une filiale de D.W. Properties, l’une des nombreuses sociétés de M Sacha Daskal et Mme Daphné Wajsbrot, à la marge brute de 3.211.248€1. Leur ambition semble être de réaliser une coquette, facile et rapide plus-value en rénovant et/ou vendant les biens à la découpe. Selon les informations récoltées sur place, le prix de vente par Darc Project d’un studio Rue St-Ghislain est de 5375€ du m² (215 .000€ pour 40m²). La famille De Prins aurait notamment vendu une des maisons du même type au prix de 440.000€ pour +-240m², soit +-1800€ du m². La différence, même après une lourde rénovation, est énorme. La preuve que malgré les dires des représentants des propriétaires bailleurs et des investisseurs sur les soi-disant freins (moratoire hivernal, commission paritaire locative, etc.), l’investissement immobilier reste attractif pour les plus fortunés, au mépris du besoin fondamental qu’est celui de se loger.
Pour vendre ou rénover, des préavis sont envoyés aux habitant.es, qui, désespéré.es, contactent à leur tour l’Union des Locataires Marollienne2, dans l’espoir de défendre leurs droits et de trouver une solution de relogement. Certains de ces préavis ont expiré le 30 avril dernier. Pourtant, les locataires n’ont pas tous pu trouver de solution de relogement et occupent toujours les lieux. Les autres attendent dans l’angoisse leur recommandé. En cause : l’augmentation incessante des loyers et leur écart grandissant avec les revenus moyens bruxellois.
Yves De Prins nous a pourtant expliqué avoir contacté en 2022 le CPAS de la Ville de Bruxelles dans l’espoir de le voir racheter ces immeubles, pour garantir le maintien des locataires. La proposition n’a même pas été étudiée, le CPAS lui expliquant qu’il n’a pas les moyens financiers de réaliser une telle opération immobilière. Pourtant, l’exemple du rachat des immeubles Rue de la Porte Rouge par le CPAS, à la suite de la mobilisation du collectif Jacques Vanderbiest, montre que le contraire est possible ! Garantir des logements accessibles aux Bruxellois.es et Marollien·nes modestes n’est possible que grâce à l’investissement des pouvoirs publics.
Cette situation n’est qu’un exemple de plus dans le processus de gentrification en cours dans les Marolles et n’est pas sans rappeler la mobilisation de Coop’Haute 51, des habitant.es qui cherchent à racheter leur immeuble en coopérative pour éviter de se retrouver dans la même situation que les habitants de la Rue St-Ghislain et de la Rue de Nancy. Eux aussi ont besoin du soutien des pouvoirs publics, qui malgré leurs déclarations, tardent à se concrétiser.
Face à cette infâmie, les habitants et habitantes ont décidé d’interpeller les médias afin de visibiliser leur situation. Le relogement des habitant.es les plus fragiles doit être pris en charge par les pouvoirs publics !
Nathan Rener & le collectif des habitant.es des Rues de Nancy et de St-Ghislain

