Hold-up à la piscine du Jeu de Balle

La piscine des Marolles a fastueusement reçu au cours d’un week-end d’avril quelques heureux (et riches) privilégiés. L’accès aux piscines et aux bains publics a quant à lui été fermé au public. Quand le plaisir des uns se fait au détriment des Marolliens…

La piscine communale de Bruxelles, rue du Chevreuil, aussi connue sous le nom des Bains du Centre, a accueilli en son sein de réjouissantes festivités à la mi-avril, et ce au cours de deux folles soirées. Au programme : chef étoilé, serveurs costumés et natation synchronisée. La scénographie de ces soirées était elle aussi parfaitement millimétrée. Mise en bouche au premier étage avec serveurs en grenouillères distribuant rafraîchissements depuis la pataugeoire. Puis bulots au foie gras et langoustines de morilles sous une lumière bleutée au troisième étage. Tout notre respect aux serveurs déguisés en méduses pour ne pas avoir culbuté dans l’eau. Enfin, un tigre et autres bestioles empaillées représentaient au dernier étage la petite touche de fraîcheur d’une fin de repas forte en émotions. L’addition, elle, avait un léger goût salé puisqu’elle aurait été à 4 chiffres pour les bienheureux participants, au nombre d’une centaine. Quant aux habitants des Marolles, ils n’ont eu droit qu’à une belle synchronisation de limousines avec chauffeurs sur la Vossenplein.

Louer un bâtiment public pour des événements privés n’a en soi rien de choquant, sauf quand la vocation publique du bien est aliénée. Une fermeture des bains à 17h le vendredi jusqu’au lundi suivant prive les nageurs, adultes et enfants, de la jouissance des deux bassins. Plus grave, de nombreuses personnes aux ressources limitées dépendent des bains publics pour maintenir hygiène et dignité. Il est en effet commun de voir le samedi matin une file de personnes précaires, parfois des familles entières, attendant leur tour pour payer le prix d’une douche. Un beau contraste avec le parterre de nantis invités à ces deux soirées.

Il est bien évident que les « raisons techniques » invoquées pour expliquer la fermeture des bassins, maintenance du bien public et sécurité des usagers, seront de nouveau mises en avant comme cause de rupture du service public. Il aurait quand même été judicieux d’annoncer cette fermeture dans le calendrier public, à toutes fins utiles. Quid également du respect des mesures d’hygiène propres aux bains publics, les invités ont-ils dû se déchausser? On en doute sérieusement. On peut aussi se demander si les profits dégagés par cette soirée privée permettront de financer les menus travaux qui permettraient d’assurer un meilleur confort des usagers, ou s’ils resteront dans l’escarcelle d’une minorité.

Alors doit-on s’attendre à d’autres festivités de ce type dans un futur proche ? Il semblerait que oui, si l’on peut tout acheter à Bruxelles, bâtiments et personnels. Enfin, un beau paradoxe avec la politique d’accès pour les « sports naturels » réclamée par le premier échevin (libéral) de Bruxelles. Beaucoup de questions, et pour l’instant aucune réponse de la part des responsables des Bains du Centre. On aimerait vraiment recueillir leurs commentaires, ainsi que ceux des responsables politiques bruxellois, sur la finalité d’un tel évènement et sur leur vision du vivre ensemble dans les Marolles. Les lecteurs sont eux aussi invités à laisser leurs commentaires via l’email du « Pavé dans les Marolles ».

• Yves Cariou, nageur et Marollien

3 pensées sur “Hold-up à la piscine du Jeu de Balle

  • 26 juin 2018 à 12 h 41 min
    Permalink

    Merci à vous pour ces informations apportant de l’eau au moulin de ceux qui sont convaincu que l’histoire de l’installation des saxe-cobourg à Bruxelles est celle d’une usurpation. L’historien Henri Pirenne déclarait que les révolutionnaires de 1830 désiraient : « le même régime qu’en Irlande » (au moment où il écrit ces lignes, l’Irlande est républicaine).
    Faire la liste des usurpations et des coups tordus organisés par le monarque usurpateur et sa clique de puritains envers le petit peuple de Bruxelles semble impossible tant il en a. Il serait temps qu’un nouveau Maurice Bologne se penche sur tout cela et donne sa véritable dimension à l’infamie qui nous gouverne.
    C’est sans doute parce qu’ Ambiorix n’à pas voulu se rendre au maître du fromage romain que nous payons encore aujourd’hui l’addition car entre la barbarie des imberbes romains et celle des imberbes saxe-cobourg, il n’y a aucune différence, seuls les moyens dégagés changent. Quant va-t-on enfin mettre ces faits en lumière et rendre leur dignité aux Bruxellois?

    Répondre
  • 26 juin 2018 à 15 h 35 min
    Permalink

    Écoeurant.
    J’ai observé le même type de « contraste »dans la Medina de Marrakech.
    L’argent achète tout! Ceux qui n’en ont pas n.ont aucune valeur.

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *