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La Clef sous le paillasson

« La Clef d’Or », café bien connu du Vieux-Mèt (Den Ae Mèt,Vieux-Marché, Marché aux Puces, Place du Jeu de Balle, Kaatsspelplaats, etc. etc.) a fermé sa porte, à clef j’espère, pour peut-être la ré-ouvrir plus tard, mais plus avec Silvano et son équipe. Tony, le père de Silvano, était devenu patron en 1973, c’est à cette époque que j’ai connu cette famille Centurione. Ils avaient un chien noir genre griffon du nom de Blacky, qui aimait énormément notre cocker Sarah si bien qu’à trois reprises Sarah et Blacky eurent beaucoup de petits Zinneke. Juan, son frère Silvano et moi étions ensemble à l’école, je me souviens qu’ils avaient aussi une sœur. Dans les années ’80, Juan avait une friture qu’il tenait avec sa femme (Betty ? décédée très jeune), juste à côté du café. Nous étions voisins sur la place, sur le même trottoir, nous habitions et tenions commerce au n°12 (puis n°7) depuis 1959 année de ma naissance. J’ai le souvenir que dans les années ’60 il y avait dans ce café de « La Clef d’Or », un Ket de mon âge (Marc ?) avec qui  je jouais, qui parlait flamand et qui n’avait qu’un bras. Avec Silvano qui quitte le café et « Chez Marcel » qui n’est plus depuis peu, c’est pour moi une page de mon quartier qui se ferme, il n’y a plus d’anciens que j’ai connus, c’étaient les derniers, je sais bien que tout change et évolue en bien ou en moins bien, je suis content d’avoir connu ces temps-là qui ne reviendront plus, il y en aura d’autres. Bonne route Silvano et son équipe. 

Luppens Nicky
[Photo : Gwenaël Breës]

Dimanche 22 décembre, c’est le coup de feu des grands jours à La Clef d’Or. Il faut faire la file et s’armer de patience pour espérer trouver une place. On se presse de toutes parts pour goûter une dernière fois aux pistolets-boulettes, à cette fameuse soupe à l’oignon « complet » (avec fromage donc), fierté de Silvano, au stoemp aux poireaux mais surtout à cette ambiance incomparable, qu’on avait fini par croire immuable et immortelle. Il faut dire que le lieu a été un estaminet dès sa construction en 1865, qu’il porte son nom de Clef d’Or depuis 1921. Ici, tout est dans la continuité. On reconnaît la façade sur une photo prise vers 1930 qui est là, sur le mur. L’établissement a été repris en 1952 par les beaux-parents de Tony, le père de Silvano. Certains éléments de la décoration datent de cette époque. Ici, une lampe de mineur, là un chalumeau ou des bouilloires en étain trouvées sur le Vieux Marché. 

Aujourd’hui, une sorte de stupeur et d’incompréhension plane dans l’assemblée. C’est pas croyable qu’une telle institution disparaisse ! Mais l’absence de Silvano, à la santé défaillante, ne laisse guère planer de doutes. Yannis, son beau-fils aux commandes depuis six ans, aurait bien repris l’affaire. Mais il n’avait pas les moyens de faire face aux frais de reprise et aux travaux exigés par les autorités. Alors il faut bien accepter l’évidence.

En fin d’après-midi, l’heure de la fermeture approchant, quelques clientes et clients montent sur leur chaise pour remercier l’équipe de ce lieu sans qui la vie ne sera plus tout à fait la même à Bruxelles. Larmes et applaudissements fournis. Autour des tables, les souvenirs d’innombrables moments passés ici (« J’y dansais le rock’n roll dans ma jeunesse », “Et l’accordéoniste qui jouait chaque dimanche”…) se mélangent à toutes sortes d’éloges de La Clef d’Or : service rapide et sympathique, clientèle mélangeant habitués et tout venants, ah c’était un des rares cafés où on vous laissait passer aux toilettes sans consommer, même les sans sous y étaient bien accueillis… Et tout le monde d’espérer que le repreneur (le patron du « Chineur » voisin) saura préserver l’âme de La Clef d’Or… et son personnel.

Fwen & Grede
[Photo : Gwenaël Breës]