Jonction : des doutes jusqu’à la dernière minute…
Dans un périmètre tracé autour de la tour des Brigittines, le Contrat de quartier Jonction entre dans sa phase finale (mise en œuvre des opérations immobilières). Mais jusqu’à la dernière minute, des incertitudes planent sur les chantiers qui seront réellement réalisés.
On vous parle souvent dans ces pages du Contrat de quartier (CDQ) Marolles, entamé en 2017. Mais un autre programme de “rénovation urbaine” touche une autre partie du quartier (les alentours de la cité des Brigittines-Visitandines et du tronçon de la Jonction Nord-Midi qui délimite une extrémité des Marolles) : c’est le CDQ Jonction, entamé pour sa part en 2014.
Lorsqu’il est comparé aux nombreux couacs et au démarrage chaotique du CDQ Marolles, le CDQ Jonction a plutôt bonne réputation dans le tissu associatif local. D’une part, son budget socio-économique a réservé une grande place (57,5%) à des actions menées par des associations du quartier, alors que le CDQ Marolles leur en réserve une part ridicule (7,7%). D’autre part, l’équipe du CDQ Jonction a marqué positivement les esprits, alors que celle du CDQ Marolles accumule les démissions successives des chefs de projet (ce qui donne une idée de la complexité de la tâche…) et vient seulement d’être renforcée par une seconde travailleuse.
Un timing infernal
Mais à l’heure où les permis d’urbanisme sont à l’enquête publique, alors que les cahiers de charges doivent être rédigés et les procédures d’appels d’offres lancées afin de confier à des entrepreneurs les travaux de construction (devant démarrer fin 2019 et être finalisés pour juin 2021 afin d’être dans les délais imposés par la Région), des doutes planent encore sur les opérations immobilières qui vont réellement être réalisées dans le cadre du CDQ Jonction.
• La rénovation de la dalle des Brigittines et le réaménagement du petit parc situé en contrebas ? La Ville n’a introduit la demande complète de permis qu’au début 2019, la Commission de concertation devant se pencher sur le projet le 5 mars, alors que la désignation d’un entrepreneur doit impérativement intervenir quasiment dans les mêmes délais…
• La rénovation des rez-de-chaussées de la cité des Brigittines-Visitandines ? L’intention était de les reconvertir en “services de quartier pour les habitants”, mais il n’y a toujours pas de programme clair à l’heure actuelle et on ignore encore quel type de loyers va demander le Logement Bruxellois pour louer ces espaces. Quant à ceux qui sont actuellement habités, le sort des ménages qui y vivent reste en suspens : seront-ils relogés dans le quartier ?
• La construction d’un bâtiment pour les ateliers de Recyclart Fabrik ? Encore faut-il que le déménagement de Recyclart vers Molenbeek1, l’an dernier, soit réellement provisoire et qu’une solution effective soit trouvée entre la Ville de Bruxelles, Beliris et la SNCB pour qu’un jour l’asbl puisse réintégrer les locaux de la gare de la Chapelle…
• La construction d’une salle de sport, rue Terre-Neuve ? Son budget a explosé.
De multiples raisons expliquent cette situation d’incertitude, malgré cinq années de préparatifs. Selon des observateurs privilégiés, il y a d’abord les délais très stricts imposés par la Région bruxelloise dans l’ensemble des CDQ2. Par exemple, “l’année zéro” durant laquelle un bureau d’études est chargé d’élaborer le dossier de base et le programme du CDQ, ne dure en réalité que quelques mois 3 : un temps insuffisant pour mener une analyse fine et déterminer de manière solide les besoins et les projets.
Certains pointent également la tutelle pour le moins évanescente de la Région (qui se contente essentiellement de surveiller les budgets et le timing) et, au niveau communal, la lourdeur et la lenteur des marchés publics, des dysfonctionnements répétés au sein de l’administration, des petites guerres de tranchées entre services, des chasses gardées entre élus de différents partis, sans compter les multiples changements d’échevins intervenus au cours de la dernière législature (en 6 ans : 4 échevins successifs chargés de la “rénovation urbaine”) qui ont clairement affecté le déroulement du CDQ…
Un timing aussi infernal et un contexte si complexe et tourmenté paraissent incompatibles avec une réelle “participation citoyenne” (de fait, il n’y a généralement plus beaucoup d’habitants dans les réunions du CDQ après un an ou deux de processus). Ils ont également pour effet de semer dans l’esprit des responsables communaux la crainte de perdre les budgets régionaux, qui prend le pas sur la volonté d’impliquer les habitants et de réaliser des projets correspondant à des besoins locaux. En somme, dans ces conditions, dépenser les subsides devient très vite plus important que de réaliser des projets qui font sens.
Toutefois, certains projets ont été réalisés ou vont l’être avec certitude. Au rayon des bonnes nouvelles, le jardin Akarova, seul îlot de verdure dans une mer de béton, peu entretenu jusqu’à présent, va être maintenu et serait désormais géré par une association du quartier.
• Gwenaël Breës
- Lire “Recyclart évincé par la SNCB : oui, mais pourquoi ?” dans le n°3 du Pavé.
- Lire “Le charabia du Contrat de quartier” dans le n°2 du Pavé .
- Lire “Marolles, année zéro” dans le n°2 du Pavé.