Articlesn°6

Brigittines : “Est-ce que la tour va résister aux travaux ?”

Du côté des habitants, l’amertume domine à propos du Contrat de quartier Jonction : pourquoi investir de telles sommes dans les abords de la tour, alors que celle-ci est dans un état dangereux et insalubre ?

Du côté des habitants de la cité des Brigittines-Visitandines, on a de quoi rester dubitatif sur le CDQ Jonction, dont ils sont censés être les principaux bénéficiaires de plusieurs opérations. “C’est comme la cité de la Querelle : ils ont refait l’extérieur pour montrer une belle image, mais pas l’intérieur”, déplore une locataire. “C’est une erreur de faire des travaux autour. On sait que la dalle ne supporte même pas le poids d’un camion de pompiers, alors est-ce que l’immeuble va tenir avec les chantiers ?” Ici, chacun semble avoir son opinion sur les opérations à venir et sur l’état de la tour, mais l’exprimer publiquement suscite une crainte de représailles de la part du Logement Bruxellois. À tort ou à raison, nos interlocuteurs préfèrent parler anonymement.

Pour eux, rénover la dalle et la plaine de jeux, repeindre les six tunnels voisins de la Jonction, ou encore confier à l’excellent artiste Bonom la réalisation d’une fresque géante (dont coût : 200.000 €, comprenant le financement d’un processus participatif avec les habitants), tout cela est certes bien sympathique… mais tellement dérisoire lorsqu’on habite une tour où s’accumulent les problèmes de sécurité (agressions, cambriolages, viols dans le parking), d’humidité, d’inondations, d’égouts bouchés, d’isolation thermique et acoustique, l’effondrement d’escaliers de secours, les chutes de morceaux de béton, les pannes récurrentes d’ascenseurs, de chaudière ou d’électricité,… Bref, un état de délabrement avancé et généralisé dû notamment au manque d’entretien, et qui n’est pas sans causer des problèmes de santé aux habitants (sans compter les antennes GSM placées sur le toit et qui causent des maux des tête). “Habiter dans cet immeuble te tire vers le bas. Les cages d’escaliers sont sales. Quand un problème se pose et qu’on appelle le service technique, ils ne viennent pas ! Faire des pétitions ne change rien, le Logement Bruxellois reste sourd. Ils s’en foutent. Ils délaissent les locataires et profitent de leur faiblesse. Et pourtant, on paye un loyer”, ajoute la locataire : 550€ mensuels dans son cas, plus charges. Un épisode récent illustre bien cette situation : l’été dernier, le gaz a été coupé pendant plus d’un mois dans tout l’immeuble. En cause : des tuyaux qui n’étaient plus aux normes et présentaient des fuites très dangereuses. Pour permettre à ses locataires de cuisiner, le Logement Bruxellois leur a donc proposé des taques électriques, mais ils furent nombreux à décliner l’offre par crainte que cela augmente leurs charges.

“Ils attendent une catastrophe avant d’agir, ou quoi ?”

Construite en 1968-69 avec des éléments préfabriqués, la cité est un témoin de cette époque où la durabilité des matériaux, l’acoustique et l’économie d’énergie ne comptaient guère. Pour les habitants de ces 151 appartements sociaux, voir les pouvoirs publics dépenser 20 millions d’euros dans des travaux autour de cette tour alors qu’ils la laissent se détériorer à ce point ; refaire la dalle en l’enclavant davantage sur elle-même ; réaménager l’unique espace de jeu à proximité avec pour effets d’en ôter les arbres, de priver les enfants de leur terrain pendant deux ans, et à terme d’y attirer probablement un autre public ; construire une salle de sport accessible à tous les habitants de la Ville de Bruxelles sans priorité pour ceux du quartier (alors que le choix de ce projet répondait à un besoin local pointé dans le dossier de base du CDQ),… tout cela peut donner des airs d’absurde et laisser un goût amer en bouche. D’autant que les chantiers à venir vont rendre leur vie insupportable pendant quelques années. “Le Contrat de quartier a créé de faux espoirs”, ajoute un habitant : “C’était bien d’avoir cette équipe à nos côtés pendant 4 ans, mais là ils s’en vont et il n’y a pas de suite”.

Pour un travailleur social du quartier, le problème avec ce genre de tour est que “le logement social y est réduit à vous fournir un toit sur la tête, sans offrir le minimum de confort, de décence et de suivi social. La Ville et la Région devraient s’occuper des priorités, ce n’est quand même pas compliqué de se coordonner pour que la tour soit enfin rénovée, et qu’importe que ce soit via les financements du CDQ ou sur d’autres budgets.” Mais certains locataires sont encore moins optimistes : “Il n’y a pas moyen de rénover cet immeuble, il a été conçu pour durer 40 ans, il en a aujourd’hui 50. Il a été trop mal fait et trop peu entretenu. Il est insalubre et devrait être fermé. La seule solution serait de le démolir et reconstruire quelque chose de mieux.”

L’accord de majorité de la nouvelle coalition aux manettes de la Ville de Bruxelles prévoit de rénover et produire un nombre conséquent de logements sociaux. Il est à espérer que la cité des Brigittines-Visitandines se trouve en haut de la liste des urgences !

• Gwenaël Breës

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