Édito
L’écrivain allemand W.G. Sebald a publié en 1995 un livre remarquable : « Les Anneaux de Saturne ». Figure centrale de l’ouvrage, le narrateur se remémore un voyage à pied entrepris le long des côtes de l’Est de l’Angleterre. La limite entre récit autobiographique et réalisme fictionnel est ténue dans ce périple plein de rencontres, de gros plans sur des évènements passés, de descriptions de paysages qui mettent en lumière des histoires aussi étonnantes que la pêche aux harengs au XIXème siècle ou des batailles navales de trois-mâts imaginées depuis la plage.
Au fil des pages se déploie le motif de l’impermanence des vies et des choses, de leur fragilité. Mais à peine sortie de l’ombre, cette matière est déjà en train de s’évanouir, de s’écrouler. L’impression diffuse que malgré l’écrit, lectrices et lecteurs resteront bientôt les ultimes dépositaires de ces histoires.
Le thème de la disparition est très présent dans ce n°10 du « Pavé ». Un jour, on se promène et on se rend compte du changement ; ce qu’on croyait être encore là s’est volatilisé. Parfois, ces modifications se sont produites petit à petit, sans qu’on y prête attention. Ou alors, c’est un chantier qui a englouti notre coin de rue préféré. On pensait à quelqu’un et voilà qu’on apprend son décès. Les personnes âgées vous le diront : c’est la vie… tout est mouvant.
Mais bien que chaque jour tout se délite doucement, la réalité est heureusement pétrie par nos gestes et c’est d’autant plus important d’essayer d’agir, d’influer sur le cours des choses, de lutter contre une certaine homogénéisation de la ville.
Nous nous plaisons à penser qu’en lisant nos articles truffés d’histoires, vous deviendrez les dépositaires d’un petit bout de cette mémoire qui restera vive encore un temps en trouvant refuge dans vos vies.
Le Pavé