Bien le bonjour à ces dames

Stéphanie, Alison, Céline,
ou bien le bonjour à Colorfield Gallery, 180 rue Haute,
ou bien le bonjour à Colorfield Gallery, 10 place des Vosges, en plein Marais parisien…

Parce que c’est bien ça, le siège social de votre nouvelle association est bien (sis), c’est juste pour faire les malins, pour vous montrer qu’on cause bien contre le français, donc le siège social de l’association BE Marolles est la Colorfield Gallery, succursale de celle de Paris…

Donc les parisiens nous font l’honneur enviable de venir jusqu’ici pour nous dynamiser, nous rajeunir, nous faire accéder, enfin, à la nouvelle technologie… Et tutti quanti… Et contre l’italien aussi…

On en a de la chance… Nous les pauvres Marolliens… On devrait remercier ces parisiens et leur nouveaux alliés, les Marolliens honteux qui, parce qu’ils gèrent leur commerce comme des « brêles », sombrent dans le marais et aspirent au jumelage avec notre grand frère et maître français.

Sans rancune, faux frère, qui collabore avec les envahisseurs, les ignorants, les « fafoulles », les « Parisiens », qui succombe au chant des sirènes des écrans géants, des flyers, des nuits de ci, des jours de ça…

Je suis sûre que c’est juste un coup de mou, un malentendu… Au lieu de donner 200 €, et qu’est-ce que t’as pour ça ?, nettoie ton maga, fais les carreaux, achète de la marchandise et souris… Ils aiment bien ça, les clients…

Depuis quand les Parisiens vont dire aux Marolliens comment il faut vivre, faire du blé, s’amuser… C’est le monde à l’envers… Comme dit le grand Jacques, ce sont les bourgeois « qui donnent leur chemise à des pauvres gens heureux ».

Allez, Stéphanie, Alison, Céline, il faut être un peu sérieuses. D’abord vous débarquez et, tout de suite, vous colonisez…

Pour ça, je vous dis un tout petit merci parce que ça me permet d’expérimenter la colonisation. Maintenant je sais que c’est très désagréable. Voir arriver quelqu’un chez toi, sans saluer, te dire que tu vis comme un abruti, envahir ta maison qu’il trouve bien à son goût autrement il serait pas là et qu’il en a peut-être plus, lui, de maison, ou qu’elle est moins bien que la tienne, te demander de l’argent pour refaire les peintures, changer les rideaux, parce que c’est très moche, même si tu les a refaites l’année dernière et que tu aimes bien comme ça. Tu crois que c’est bien parce que c’est juste que t’as pas l’éducation, qu’on va t’ouvrir l’œil, te montrer l’art, Andy Marolles, c’est fin, c’est très fin, ça se mange sans faim. Tu devras payer, bien sûr, chaque fois qu’on va t’ouvrir l’oeil. C’est pour ton bien. Si tu comprends pas encore c’est que t’as besoin qu’on te l’ouvre encore… À grands coups de musique… Parce que c’est vrai, t’en as pas de la musique, toi, t’as pas le Bal national tous les ans, t’as pas le Carnaval sauvage qui vient te faire la fête dès que t’as besoin d’un coup de main, t’as pas les majorettes, celles qu’on adore, avec leur orchestre du quartier, t’as pas tous les musiciens qui traînent dans le coin et qui viennent faire le boeuf au Chaff quand les voisins sont de bonne humeur…

À grands coups d’œuvres d’art… Parce que c’est vrai, t’as pas d’œuvre d’art, pauvre Marollien, toi qui traverses le marché tous les jours pour aller chercher ton pain, marché bourré de bibelots, de tableaux, de bijoux, de tentures, de meubles design et autres, à tous prix, où j’ai vu quelqu’un acheter un Braque à 6 heures du matin, sous la pluie… À grands coups d’évènementiel… Parce que toi, t’en as pas de l’événementiel, pauvre Marollien, qui rencontre tous les jours un tas de gens différents de race, de fric, d’âge, de culture…

Je vais arrêter l’énumération parce que je sens que ça commence à énerver mes nerfs.

Alors les filles, j’ai envie de vous dire que c’est pas parce que vous vous emmerdez chez vous qu’il faut venir faire les patronnes chez nous. Vous êtes les bienvenues mais, comme tout le monde, chacun lambda et le quartier restera aussi plaisant, aimé, dynamique, générateur de boulot, qu’avant que vous arriviez.

Parce que votre plan moderne, il ressemble à rien. Quand je lis la liste des rues, prises comme cibles, j’ai l’impression que vous voulez juste en faire un grand centre commercial. Il y en a plein et il y en a aucun qui marche.

Les Marolles, il y en a une et elle est déjà en pleine forme et pleine de gens qui la protègent.

On a un peu dormi ces derniers temps. Ok. On va pas non plus s’agiter si tout va bien. Les Marolles, vous voyez, c’est un peu le sud. On vit tranquilles. Alors les abribus, la place De Brouckère, et tout le tutim, ça nous fait ni chaud, ni froid.

On est cools mais on n’est pas cons, non plus.

On voudrait bien savoir de quels appuis vous avez bénéficié pour obtenir tant de subsides alors qu’on hurle à la lune pour dégoter un balle, parce que, si vous avez tiré 200 € de chaque magasin contacté, je vous donne ma carte d’entrée à la piscine… J’oubliais la piscine. Ça aussi, on l’a…

Parce que comment un politique donne un coup de main à une ASBL sans défavoriser les autres… Le politique ne pourrait-il pas avoir des ennuis si ça venait à se savoir ? Parce que comment une ASBL s’installe si elle a le même objectif que celles déjà existantes…

Etc.

Voilà… Ça part fort.

Faire fonctionner davantage le commerce du quartier, c’est toujours bienvenu. Nous prendre pour des demeurés, c’est malvenu.

On veillera, comme on l’a toujours fait, sur notre quartier. N’importe qui n’est pas habilité à se servir de cet endroit authentique et précieux pour y faire son bac à sable.

À plus,

• Bernadette Lauzin

Photo : #Bisousbxl

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