15 rue des Renards : appartements mis aux normes, mais locataires à la rue
L’immeuble situé au n°15 de la rue des Renards appartient à la Régie Foncière de la Ville de Bruxelles. En façade avant, il comporte un rez-de-chaussée commercial et deux étages, et en façade arrière, sur cour, une aile comptant également un rez + deux étages. En fond de parcelle, un jardinet. Au total 5 appartements modestes. La Régie veut rénover le tout de fond en comble, et donne leur renom aux occupants.
Les prétextes invoqués pour la démolition sont d’une part le manque de stabilité de la construction, et d’autre part la non-conformité aux normes existantes : les appartements seraient trop petits, et ne sont pas isolés. Ils sont pourtant occupables sans gros travaux, et le choix fait par la Régie n’est pas anodin : un duplex, et des logements pour étudiants. On change donc de public-cible. Les occupants actuels paient un loyer modeste, en rapport avec le confort relatif des lieux. Ils s’y trouvent bien, les lieux ne manquent pas de charme, et surtout le loyer est abordable : une rareté !
L’argument-bateau classique est que la nouvelle construction sera beaucoup plus économe en énergie, et donc en quantité de CO2 émise dans l’atmosphère. C’est vrai, mais c’est oublier un peu vite que la démolition-reconstruction va consommer une quantité d’énergie telle que le bilan carbone ne sera favorable qu’après 34 ans, du fait de l’énergie consommée dans la fabrication des nouveaux matériaux et dans leur mise en œuvre. Remarquez que ce calcul ne prend même pas en compte l’énergie dépensée dans l’évacuation et l’élimination des 210 tonnes de débris occasionnés par la démolition.
Ces 34 années de « bilan négatif CO2” d’une démolition-reconstruction sont à comparer avec une rentabilité après 10 années que permettrait une rénovation légère (c’est-à-dire avec une meilleure isolation et un système de chauffage plus performant). Ou aux 15 années après lesquelles une rénovation lourde deviendrait bénéfique (c’est-à-dire une rénovation avec une isolation très poussée). Du point de vue des émissions de CO2 une rénovation lourde ou une rénovation légère sont donc payants parce qu’elles utilisent moins de matériaux neufs, et moins d’énergie à leur mise en œuvre. Mais voilà, la Régie préfère ne pas « se casser la tête », et démolir le tout pour reconstruire à neuf.
Cette manière de faire est typique d’un système technocratique où, après des années de non-entretien, on se rend compte que « l’habitation n’est pas aux normes ». Le moulin administratif se met alors en route, et au final les précaires se retrouvent… à la rue. Les logements produits sont devenus impayables et seront occupés par des locataires mieux dotés.
Une toute autre politique consisterait à faire rénover les logements pièce par pièce, par des artisans, ou du personnel de la Régie. Prenons l’exemple du manque de stabilité : sur place nous avons remarqué une poutrelle en acier, qui rouille parce qu’elle est exposée aux infiltrations d’eau. Elle aurait dû être remplacée il y a longtemps, et la maçonnerie refaite dans les règles de l’art. Il est encore possible de le faire maintenant sans démolir le bâtiment, mais voilà, ça demande du soin, du contrôle, du suivi. L’administration n’a plus ça en magasin.
Alors, bonjour les dégâts dans une rue étroite, avec le passage d’une trentaine de containers de débris, le bruit et les poussières d’un gros chantier, une grue pour passer par-dessus le toit de la maison de devant, le passage des engins de chantier, pompe et malaxeurs à béton… Tout cela, les habitants présents l’ont dit et redit lors de la Commission de Concertation qui a remis un avis favorable au projet de démolition-reconstruction.
Le n°15 rue des Renards n’a pas fini de faire parler de lui…
Déjà en 2016, cet immeuble a été le lieu d’un beau scandale, relaté dans “Marolles, la chute de la maison Appelmans ?” (1).
Patrick Wouters
(1) Lire l’article : http://bruxelles.capitale.org.