Sœur Marie-Claire, 85 ans, Maison de repos et de soins Sainte-Monique

Les Marolles comptent dans un rayon de 5 km, 6 maisons de repos : la résidence Porte de Halle, la maison de repos Saint-Joseph (Petites sœurs des pauvres), Sainte-Gertrude, la maison Sainte-Monique, les Ursulines et la maison Vésale. Chaque maison compte plus au moins 100 lits, cela nous fait environ 600 résidents dans le quartier.

Pour des raisons de sécurité, beaucoup de résidents voient leur champ de liberté se rétracter fortement et souffrent de solitude. La Chronique des Anges, dont ceci est la première livraison, est un moyen de communiquer en peinture, dessins, récits de vies ou autres avec les vieux du quartier. Nous tenterons de donner de la reconnaissance et faire rayonner le savoir de nos aînés en revisitant leurs vécus, en le reconnaissant et en renouant avec leur souvenir.

Elle s’appelle “Sœur Marie-Claire, faites que la pluie reste en l’air”. Son vrai nom est Jacqueline Paulus. Elle vit depuis 71 ans dans la même chambre, dans l’actuelle maison de repos Sainte-Monique. Sa jolie tête est coiffée de cheveux en pétard, avec un grand sourire et un petit corps mince mais bien musclé. Sœur Marie-Claire est rentrée dans l’ordre des Soeurs Noires à l’âge de 14 ans. Elle a donc voué sa vie à Dieu. Il n’y a pas si longtemps encore elle arpentait les rues des Marolles pour aider les plus démunis et plus particulièrement les aînés, elle nettoyait la chapelle et priait entre deux lectures faites aux mères supérieures. Les soeurs Noires constituent un ordre qui remonte au XIVe siècle. Elles s’occupaient de soins aux malades. Elles étaient 150 quand Sœur Marie-Claire a eu sa vocation, elles ne sont plus que trois actuellement.

Mais aujourd’hui le temps s’est suspendu, les dates se sont brouillées, et c’est Sœur Marie-Claire qui a besoin d’aide. Elle est devenue autre ou tout-à-fait elle-même, on ne sait pas très bien quand la démence arrive doucement. “Ik vergeet van s’middag tot 12 uur ». Elle s’efface doucement, mais son cœur et ses sentiments sont intacts. La maladie d’Alzheimer dont souffre Sœur Marie-Claire ne se guérit pas. On peut seulement l’écarter quelques temps en offrant des soins sensoriels et émotionnels. C’est à nous de la laisser glisser dans son nouveau monde et à ouvrir notre regard. Elle se sent prisonnière de son cerveau, les mots lui échappent.

Une belle poésie se dégage de Sœur Marie-Claire. Elle est pleine d’amour et de rire. Quand on la quitte, on a le coeur bien rempli, comme dans une relation amoureuse. D’ailleurs elle dit ne pas connaître le froid car sa peau brûle d’amour. Elle ne se repère plus dans le temps mais bien dans l’espace. Elle connaît le chemin de la place du Jeu de Balle par coeur et s’y rend tous le jours à 14h. Sa chambre regorge de trésors, petites scènes de bibelots, peintures, sac, affiches, photos, objets en tout genre et une collection de pierres étonnantes… on trouve de tout. Sur son balcon, il y a 8 petits nains qui la saluent en permanence bien poliment.

Dans la chambre de Sœur Marie-Claire, il y a ses 7 enfants, ce sont des chiens en peluche, ramassés au vieux marché. Ils sont rangés en ligne dans son fauteuil. Il y a tellement de choses qu’elle ne peut plus s’y asseoir.

Sœur Marie-Claire parle à sa chambre. On peut la croiser en rue parlant aux murs de sa maison, c’est une belle leçon d’humanité de l’entendre. Dans notre société qui prône l’hyper-activité, la productivité et la rapidité, n’avons-nous pas beaucoup à apprendre de la légèreté de la vieillesse ? Même si pour elle, on ne commence à vieillir qu’à partir de 90 ans.

• Marcel & Brigitte

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