Entretenir plutôt que rénover. Misère de l’espace public.
L’assèchement voulu (1) des finances publiques oblige les gestionnaires de la voirie à comprimer les budgets consacrés à l’entretien. En conséquence, les équipes d’ouvriers sont réduites, on ne remplace pas les contrôleurs et chefs de brigade partis à la retraite, mais on engage des « managers » qui conseillent aux gouvernements de « moderniser » l’entretien en le confiant à des firmes privées, « beaucoup plus efficaces ». La recette est parfaite : pour détruire un service public, il faut commencer par baisser son financement. Il ne fonctionnera plus. Les gens s’énerveront. Ils voudront autre chose. C’est la technique de base pour privatiser un service public. Or, le service public, c’est la richesse des pauvres.
La règle de base de la longévité est l’entretien
Nos trottoirs ne sont plus entretenus. Quand un pavé se déchausse, il faut intervenir immédiatement. Mais vous savez bien que ce n’est plus comme ça que ça se passe. Le pavé reste ballant, en temps de pluie on se crotte le bas du pantalon, le pavé est poussé sur le côté, il reste là un temps puis finit par disparaître un peu mystérieusement. Reste le trou.
Finalement, une équipe de la Ville intervient, et… coule un peu d’asphalte dans le trou. Réparer de cette façon prend environ deux minutes. Tandis que replacer le pavé correctement en prendra 20.
Puisque l’entretien local ne se fait plus, on est donc contraint de laisser les choses se dégrader pour, tous les vingt ou trente ans, refaire la voirie à neuf, de façade à façade, par exemple à l’occasion d’un Contrat de quartier. Ce qui convient parfaitement aux grosses entreprises de travaux publics.
Que se passe-t-il après l’inauguration ?
Réponse : après l’inauguration, il ne se passe… rien (ayant coupé le ruban, les monarques et leurs figurines repartent à l’arrière des berlines). Il ne se passe rien en 30 ans, pendant lesquels lentement mais sûrement tout le bazar se dégrade, jusqu’à ce que tout soit remis à neuf, avec de gros moyens mécaniques. (Puis : retour des berlines pour une nouvelle inauguration, etc.)
Une coopérative de paveurs marolliens
L’entretien fréquent est, tout bien considéré, moins coûteux et bien plus écologique. Cela donnerait en outre de l’emploi local à des équipes de paveurs. C’est pourquoi il serait judicieux, à la faveur du Contrat de quartier qui va démarrer bientôt, de constituer une petite coopérative de paveurs. Deux équipes de deux paveurs, recrutés localement, seraient employées à refaire en quatre ans tous les trottoirs des rues du périmètre concerné. Cette coopérative s’appellerait « Les Paveurs Marolliens », tiens. Chiche ?
• Patrick Wouters
- La Région, comme les communes, est victime des politiques d’austérité, conséquence directe de la concurrence fiscale à la baisse déclenchée entre pays par la « mondialisation ultralibérale » et qui entraîne l’assèchement automatique des ressources publiques.