Le Marollo-Saint-Gillois
Lorsque j’étais enfant mon grand père m’emmenait par la main me promener au Vieux Marché comme son grand père l’avait fait avec lui auparavant. Son grand père qui n’avait pas connu la place du Jeu de Balle et ne connaissait avant 1873 que les brocanteurs de la place Anneessens.
Mon arrière-arrière grand-père disait déjà que « Le Vieux Marché n’était plus comme avant » !
Ainsi mes frères et moi avons grandi entre Saint-Gilles et les Marolles jusqu’aujourd’hui dans ce quartier/dans ce monde où tout le monde « communique » et plus personne ne se parle… dans ce quartier les gens continuent à se dire bonjour et s’embrassent en demandant des nouvelles des amis et amies que l’on n’a pas vu ces derniers jours…
Un Marollien est un vieux sédentaire qui, à travers les générations, est devenu un nomade revenant toujours comme certains oiseaux migrateurs à l’endroit où ils sont nés. Mes grands parents ont dû émigrer à Koekelberg, faute de logements accessibles dans leur quartier d’origine. Leurs grands parents on été chassés vers Boisfort et Uccle Saint-Job par la construction du Palais de Justice. Le Galdenberg (place Poelaert) ou des gibets étaient dressés pour indiquer à la Plèbe du bas de la ville qu’elle n’était pas la bienvenue dans le haut de la ville où la noblesse et la bourgeoisie bruxelloise habitaient. Vesale y a recueilli, étudié et disséqué ces Marolliens d’antan après que, un moment habitant le quartier, Bruegel les a peints. Chaque fois que j’ai l’occasion de voir ces tableaux, j’imagine ces personnages en jeans et me rappelle les avoir salués en remontant la rue des Renards.
Adolescent, j’ai un souvenir ému et joyeux des cafés, rue des Minimes, rue de la Samaritaine et autour du Vieux Marché où nous dansions le samedi soir et le dimanche en fin d’après-midi juste après le match de l’Union Saint-Gilloise. Nous nous retrouvions avec nos amis saint-gillois au Parvis de Saint-Gilles dans des cafés dont j’ai aussi, comme dans les Marolles, oublié les noms… un dernier verre avant le match et ensuite nous montions par la chaussée de Forest jusqu’à la chaussée de Bruxelles où se trouve toujours le stade du Parc Duden et assistions aux exploits de la Royale Union Saint-Gilloise (RUSG).
J’ai adoré grandir entre les Marolles et Saint-Gilles avec mes amis flamands, wallons, italiens, espagnols, gitans, marolliens, turcs et tant d’autres belges de toutes origines… aujourd’hui encore, j’adore ce quartier ou j’aime vivre entre Chez Yasmine et La Brocante avec mes amis belgo-marocains nés à l’hopital Saint-Pierre et sans qui ce marché n’existerait plus. Je souhaite des loyers accessibles aux habitants les plus vulnérables, un peu moins de précarité dans cette population oubliée des plans montés par les commerçants du quartier qui ont rarement « un ancrage de cœur » dans ce quartier.
Pour paraphraser Simone de Beauvoir à propos des femmes : « on ne naît pas Marollien, on le devient ».
• Viktor