Économie circulaire ? Éviter de tourner en rond…

Le CPAS, qui rafle la mise dans le Contrat de quartier Marolles, veut faire financer par le Contrat de quartier les travaux de réaffectation d’une de ses propriétés dans le but d’y installer une ressourcerie (budget : 1.228.887€ + 300.000€ de fonctionnement). L’idée est de récupérer et de valoriser une partie des déchets générés par l’activité du Vieux Marché. Des personnes pourraient être remises à l’emploi en retapant des meubles abandonnés, en retouchant des vêtements usagés pour les remettre au goût du jour. L’idée est séduisante de prime abord : créer quelque chose de vendable à partir d’un déchet, en diminuant les dépôts clandestins et en contribuant à l’emploi. Mais elle ne règlera rien à la problématique des déchets dans le quartier.

Le projet suscite en effet des questions. D’une part, il est douteux qu’il se pare des vertus de la propreté publique, et on cerne mal sa complémentarité par rapport à des opérateurs bien expérimentés (“Magasins OXFAM”, “Petits Riens”, “La Poudrière”…), pour certains déjà implantés dans le quartier. Si l’on se fie au projet “Récréart” (rue Haute), soutenu par le CPAS, on peut craindre que les objets sortant de cette ressourcerie seront destinés à une clientèle touristique et de revenus supérieurs.

D’autre part, en matière de récupération, les choses ne sont pas si simples. Les professionnels de la fripe estiment que seulement 10% à 15% d’une récolte de vêtements usagés est vendable en Belgique. 50% est encore mettable, mais démodé. Cette partie de la récolte est généralement compactée en ballots et est vendue à l’international (Afrique, Amérique du Sud, certains pays d’Asie). Cette vente couvre les frais, mais pas beaucoup plus. 25% à 30%, coton ou laine, est récupéré comme fibre et vendu à raison d’environ 10 cents le kilo (les prix fluctuent). Les 10% à 15% restants sont du déchet, dont l’enlèvement coûte 5 cents le kilo. Pour que l’activité soit rentable, le tri doit se faire par une personne à l’œil averti, qui doit bien savoir ce qui se vend, qui repère immédiatement boutons manquants, fermetures éclair rétives, taches, déchirures… L’important est de pouvoir sortir rapidement 100 kg de “crème » de 1.000 kg de fripe. Si on n’en sort que 50 kg, on a perdu son temps. En gros, 70% du chiffre d’affaires s’effectue sur 10% à 15% du volume traité.

Mais imaginer qu’on pourra trouver une belle pièce jetée en rue, c’est se faire des illusions. Dans les Marolles se concentrent précisément les connaisseurs : tout le monde y connaît la valeur des objets, et sait où les revendre. Ce qui a de la valeur est parti. Ce qui est abandonné en rue est invendable.

➔ Notre conseil au CPAS, c’est donc de ne pas se lancer comme amateur dans ce jeu de professionnels : ce serait du gaspillage de ressources publiques.

➔ Une ressourcerie a du sens si elle est liée à une déchetterie. Nous souhaitons que la conception de ce projet implique des habitants, marchands et usagers du Vieux Marché, mais aussi des partenaires compétents pour fournir des services de recyclage (par exemple : “Tournevie”, “Cyclo”, “Recyclart Fabrik”, synergies avec le projet d’atelier ouvert du Contrat de quartier Jonction…).

Lire aussi notre article :
Protéger le Vieux Marché : une déchetterie aux Marolles

[ Références dans le dossier de base du Contrat de quartier : 1.2a, 5.9 ] (Photo : Lili)

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