Contrat de quartier : un programme à améliorer

27.220.870€… et 5 cents après la virgule ! C’est le montant qui devrait être investi au cours des 6 prochaines années dans les Marolles. Comme le souligne le bureau d’études mandaté par la Ville et la Région, dans son dossier de base soumis à enquête publique (du 17 février au 18 mars) : “un programme d’investissement public de ce type ne peut pas être une opération simple et neutre vis à vis des habitants”. En fonction des orientations et des projets retenus par les autorités, le quartier changera dans telle ou telle direction, qui sera favorable ou pas à certaines catégories de la population. Il faut donc être très vigilants et ne pas laisser faire n’importe quoi.

Nous sommes des habitants, des travailleurs, des amoureux des Marolles liés d’une manière ou d’une autre à ce quartier. Depuis juin 2017, nous avons suivi et participé à tout le processus d’élaboration du Contrat de quartier (Commission de quartier, assemblées générales, forums, ateliers, groupes de travail, etc.). Sans être exhaustifs, nous pointons dans ce dossier, de manière aussi claire et synthétique que possible, les éléments qui nous paraissent importants à soutenir ou à rectifier, ceux qui nous posent question ou problème. Tout en vous invitant à vous faire votre propre opinion et à l’exprimer pendant l’enquête publique, nous partageons ici des analyses, conseils, remarques, propositions et demandes émises par des habitants et des associations…

1. Les objectifs initiaux : “contrebalancer la pression immobilière et touristique”

Les objectifs fixés dans le dossier de candidature de la Ville de Bruxelles et qui ont “séduit” la Région en mars 2017 sont : “renforcer la position des Marolliens, […] de l’habitant du quartier précaire” et “contrebalancer la pression grandissante que le Sablon exerce sur le quartier, […] pression immobilière et touristique grandissante menaçant son identité et son accessibilité” (déclarations du Ministre-Président Rudi Vervoort et de l’Échevine Ans Persoons).

2. Le diagnostic : “établir un programme pour les Marolliennes et les Marolliens”

Le diagnostic établi par le bureau d’études rappelle lui aussi que l’objectif premier des contrats de quartiers “est de venir en aide à des populations de quartiers en difficultés sociales, économiques, d’améliorer le cadre de vie et le quotidien des populations en place”. Dans ce document, le bureau d’études souligne qu’il lui “semble important d’accentuer peut-être ici plus qu’ailleurs le caractère ‘à destination locale’ du programme. Car une ligne directrice importante pour le Contrat de quartier durable semble faire l’unanimité : établir un programme qui soit en phase avec les enjeux identifiés par et pour les habitants et usagers. Le Contrat de quartier Marolles doit être un programme pour les Marolliennes et les Marolliens.”

3. Les “fiches projets” : déséquilibres et incohérences

Si nous partageons largement les objectifs initiaux et le contenu du diagnostic, nous ne pouvons que déplorer les grands écarts entre ces intentions et les “fiches projets” soumises aujourd’hui à l’enquête publique. Au point de se poser cette question : pourquoi avoir fait travailler pendant un an un bureau d’études, des habitants et des associations (en leur expliquant que le programme s’élaborait dans une logique “bottom up” : des citoyens vers les décideurs), si c’est pour qu’à la dernière minute des projets tombent du ciel tandis que d’autres projets importants disparaissent ou soient recalés en “opérations de réserve”, ou encore soient détournés de leur philosophie initiale ? Cela résulte d’un “partage de gâteau” marchandé entre le CPAS et différents services de la Ville (Régie Foncière, Urbanisme, Propreté Publique, Voirie, Espaces verts, Patrimoine, Sport, Instruction publique, Culture, asbl Bravvo, etc.). Et cela aboutit au programme que nous analysons dans ces pages, qui manque de cohérence et laisse peu de place aux habitants et aux associations.

Si l’enjeu de ce Contrat de quartier est de “contrebalancer la pression immobilière et touristique”, il convient au minimum de faire en sorte que lui-même ne contribue pas à augmenter cette pression ! Or, à ce stade, la Ville ne se donne pas les moyens d’y parvenir. Pour reprendre une expression un peu caricaturale utilisée dans le diagnostic, nous constatons qu’elle privilégie davantage des interventions sur “la scène” (place du Jeu de Balle, rues Blaes et Haute…) que dans “les coulisses” (rues perpendiculaires, intérieurs d’îlots, pieds d’ensembles de logements sociaux…) — ce qui aurait un impact négatif en termes de hausse des loyers et donc de capacité pour “les habitants précaires” (cette notion ayant pris de nos jours une signification qui concerne plus de la moitié des Bruxellois !) à rester vivre dans leur quartier.

➔ Nous demandons à la Commission de concertation et à la Région de revenir aux objectifs du Contrat de quartier (“éviter une logique d’embellissement de la ‘scène’, […] permettre au quartier de se renforcer à l’avenir face aux pressions externes, et préserver son identité populaire historique”), en rééquilibrant le projet afin qu’il réponde davantage aux besoins des habitants. Nous demandons aussi que les avis émis par la Commission de quartier (CoQ, qui s’est déjà réunie à 7 reprises) soient réellement pris en compte.

• L’équipe du Pavé

P.S. Dans ce dossier, nous reprenons pour chaque sujet la numérotation qui renvoie aux “fiches projets” à l’enquête publique. Et si vous voulez mieux comprendre ce qu’est un Contrat de quartier, son jargon et ses mécanismes, nous vous renvoyons vers cet exercice de vulgarisation du “Charabia du Contrat de quartier” paru dans notre n°2.

Menhier le Corbeau, dans les Marolles perché,
Voit Menhier le Renard rôder dans le quartier :
– C’est vraiment schûûn ici, mais y a trop d’ pauvreté.
Moi j’ai des sous pour toi, tes pavés vont blinquer.
– Awel, dit le Corbeau, ça a l’air tof tout ça.
Mais quand ce s’ra fini, ça s’ra toujours chez moi ?
– Mais wé, dit le Renard, tu me connais quand même ?
– Justement, c’est pour ça, on connaît tes poèmes !
Pour le fromage, tant pis, c’est longtemps pardonné,
Mais faut pas croire non plus que tu peux r’commencer !
(Isabelle)

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