Tu parles bruxellois ou marollien ?

D’après moi (Nicky) le langage dit « marollien » n’est plus parlé depuis bien longtemps ! Il n’y a pas des masses d’écrits d’époque mais j’ai fait quelques recherches que je vais vous expliquer, vous en déduirez ce que vous voudrez.

« Il existe à Bruxelles un quartier connu sous le nom général de Marolles, où l’on parle un patois assez original, formé de wallon et de flamand.

Ce patois, dit « marollien », date évidemment de plus de cinq siècles, et n’a jusqu’ à ce jour fait l’objet d’aucune recherche historique, bien qu’il soit digne d’attention ; chose remarquable : il n’est resté aucune trace de ce dialecte ; pas une complainte, pas une ballade.

Il y a quelques années cependant, un journal a publié deux fables marolliennes : l’ Vos’ et l’ Corbeau et l’ Fourmi ; j’ignore à qui elles sont dues. etc. etc. »

Voici un petit exemple de texte en marollien :

« Flup le Marollien.
El frèr’ de Flup duvait partir pour l’guerre
Il était kron et toch ! goed gekeuré!
Mo c’était lui qui gaignait pou’s vieul’ mère;
Pendant deux jours y z’avions d’jà pleuré,
V’là Flup qui dit: Frèr’ , reste ici, travaille,
Travaill’ pou t’ mèr’ et j’ marcherai pou toi,
Mo soign’ la bien et si j’ crév dans l’bataille,
Fais quelquefois un’ bonn’ prièr’ pou moi. »

Voilà, j’arrête ici car c’est encore un peu long. Quand je lis ce texte ça me fait penser à du wallon avec un peu de flamand, « kron et toch ! goed gekeuré ! »… de travers (ou courbé, bancal) et quand-même, apte ! (kron est devenu krum et krumme).

Ce texte est tiré d’un petit livre titré « Le Marollien » œuvres complètes de Coco Lulu recueillies par Victor Lefèvre (Victor Lefèvre est, entre-autres, Coco Lulu lui-même) troisième édition, date de parution 1871 oui oui vous avez bien lu 1871 !!!

Les passages que vous allez lire ci-dessous sont tirés du livre « Types et Caractères Belges, mœurs contemporaines » et daté de 1851 oui oui, vous avez encore une fois bien lu, 1851 !!!

L’auteur nous fait visiter Bruxelles et passe d’un quartier à l’autre en nous donnant ses impressions :

« Traversez la rue de la Régence, les Sablons, la rue des Minimes jusqu’à l’église de ce nom, un monde, que dis-je : trois siècles et deux civilisations vous séparent de ce que vous venez de voir. Langue, mœurs, habitudes, tout est nouveau, tout vous frappe par une physionomie d’étrangeté inouïe. Vous êtes dans la Bohême bruxelloise, sorte de Cour des Miracles, de grande truanderie oubliée au milieu du progrès général, comme un débris d’architecture du moyen-âge au milieu de nos constructions modernes. Ne cherchez pas à comprendre la langue qu’on y parle, car à moins d’être un linguiste approfondi, vous vous perdrez dans ces mots hybrides, semi-romans, semi-tudesques, sorte de parler macaronique, qui déroute l’analyse et les radicaux, et dont l’ imprévu, le pittoresque et les allures non-pareilles attendent un autre Restant pour en faire la grammaire.

Le Marollien n’est ni Français, ni Flamand, ni Wallon, tout en tenant cependant de cette triple origine, dont on retrouve des traces dans son langage, vraie mosaïque de vocables empruntés à toutes les dominations qui ont pesées sur la Belgique, y compris l’Espagne, dont il a gardé une foule de mots. Le Marollien se distingue de l’ habitant des autres quartiers de la ville par son affection pour son langage; il ne parlera flamand qu’à son corps défendant, et croirait déroger si on lui faisait l’insulte de le prendre pour un Français. »

Nous avons dit que le langage de ce quartier offre des étrangetés bien faites pour exercer la patience d’un linguiste. La langue de Jean de Meung, du roman de la Rose, y coudoie le patois rouchi et wallon. Le flamand s’y trouve mêlé dans une assez forte proportion… etc. »

Voilà, j’arrête ici car il y a encore un peu de matière à écrire sur le sujet mais il faut « sortir » le Pavé à temps ! La suite dans le prochain numéro comme on dit !

• Luppens Nicolas dit Nicky

(Dessin : Camille Burckel)

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