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Personnes âgées assignées à résidence

La RGPA, le Revenu Garanti aux Personnes Agées a été promulguée le 1er mai 1969 pour celles et ceux qui n’avaient peu ou pas de pension et sous certaines conditions. Le 1er juin 2001, après avoir subi certaines restrictions, elle devint la GRAPA (La Garantie de Revenu Aux Personnes Agées). Depuis, de législation en législation, les bénéficiaires subissent de plus en plus de restrictions.

Historique

Lors de sa création en 1969, le but de la RGPA était d’éviter aux personnes âgées de sombrer dans la pauvreté. Quand ils répondaient aux conditions d’acceptation, les bénéficiaires ne subissaient aucun contrôle et annuellement, ils pouvaient séjourner trois mois à l’étranger.

En 2001, sous couvert d’une modernisation de la loi et d’une individualisation du droit, Frank Vandenbroucke, Ministre SP.a des pensions de décembre 1999 à juillet 2003 et actuellement ministre de la santé, promulguait la loi du 1er juin 2001 et d’après Colette Durieux, spécialiste du dossier GRAPA à l’atelier des droits sociaux: « La loi de 2001 a été un grand basculement vers le bas. Du revenu garanti aux personnes âgées RGPA, on est passé à la GRAPA et, cette nouvelle mouture nous est apparue dans les faits comme un net recul social par rapport à la loi de 1969. Et ce, principalement parce qu’elle instaurait un taux cohabitant et une prise en compte des ressources, au départ, de tous les habitants. Le fait de cohabiter peut empêcher certaines personnes d’avoir droit à toutes les allocations, qui plus est, elle ne tient nullement compte des problèmes de solitude des personnes âgées les plus démunies ». Cette loi limite aussi les séjours à l’étranger qui vont passer de 3 à 1 mois par an.

Le 1er janvier 2014, Alexander De Croo, Open VLD, Ministre des Pensions du gouvernement Di Rupo et l’actuel Premier Ministre, rectifie la prise en compte des ressources des personnes avec qui l’on cohabite. Colette Durieux: « Ne seront plus pris en compte que le conjoint marié ou le cohabitant légal; autre amélioration, le ou la bénéficiaire de la GRAPA pourra travailler car une exonération de 5.000 € par an lui est accordée ». Et de constater: « Si les derniers ministres ont toujours accentué le contrôle des bénéficiaires de la Grapa, ce ne fut jamais au point de l’ex-Ministre des pensions Daniel Bacquelaine (MR) qui interdit non seulement de quitter la Belgique mais son domicile ». Pour les bénéficiaires, à partir de cette date, leur circulation dite « sous contrôles renforcés » est une assignation à résidence

Injonctions de la loi du 1erjuillet 2019

Mi-juin 2019, un courrier du SFP (Service Fédéral des Pensions) informe tous les bénéficiaires de la GRAPA, des décisions prisent par Daniel Bacquelaine:

« A partir du 1er juillet 2019 vous devrez déclarer préalablement:

  • Tout séjour en Belgique de plus de 21 jours consécutifs dans une autre résidence que votre résidence principale;
  • Tout séjour à l’étranger, quelle qu’en soit la durée.

En cas de non-respect de cette déclaration préalable, la GRAPA est suspendue pour un mois ».

L’alinéa suivant explique qu’à partir de ladite date, les facteurs seront chargés de contrôles domiciliaires surprises à l’endroit de tous les bénéficiaires de la GRAPA.

Pour le ministre: « Cette modification de la procédure va permettre aux bénéficiaires de la GRAPA de se déplacer en Belgique plus facilement qu’auparavant, sans craindre une suspension liée à son absence du domicile (…) et le facteur pourra ainsi recréer du lien social ».

Moi, bénéficiaire de la GRAPA

Un jour de novembre 2019, coup de sonnette. Je dévale les deux étages qui séparent mon appartement de la porte d’entrée aussi vite que ma vélocité de personne âgée me le permet. J’ouvre la porte. Un facteur. Il me demande ma carte d’identité. La voilà, la surveillance annoncée ! Et de refaire l’aller/retour en espérant que ma relative hâte n’ait pas raison de sa patience et surtout de son emploi de temps chronométré au millième de seconde près. De nouveau face à lui, il vérifie ma carte d’identité, la photographie ainsi qu’une enveloppe qu’il me tend et me demande d’apposer ma signature sur une petite machine électronique. Puis s’en va. Est-ce ça, le lien social annoncé par le Ministre ? J’ouvre l’enveloppe: « Attestation de présence au domicile ». Non datée, elle m’informe, entre autres, que: « Le facteur de Bpost vous a remis cette lettre en mains propres, ce qui confirme votre présence en Belgique. Vous ne devez donc rien faire et nous continuerons à payer votre GRAPA. »

Avant, lorsque je recevais le certificat de résidence par courrier, j’avais 35 jours, et quelques années plus tard 21, pour aller à la commune faire constater ma présence en Belgique et envoyer le document au contrôle des pensions, le contrôle était présent mais il était nettement moins angoissant. J’ai eu la chance le jour où le facteur est passé d’entendre le coup de sonnette mais qu’en sera-t-il lors du prochain contrôle surprise et aléatoire ? L’entendrai-je ? Dans la cuisine, je n’entends pas le son de la sonnette; quand je regarde un film ou écoute de la musique, je n’entends pas le son de la sonnette. Si je ne réponds pas au facteur, j’ignorerai qu’il est passé car, contrairement à un envoi recommandé, il ne laissera trace de ses passages qu’à sa troisième visite où il déposera une attestation de présence au domicile et j’aurai 5 jours pour la faire valider à la maison communale et la faire parvenir aux contrôleurs de la GRAPA. Dans un contexte où la poste, devenue une société anonyme de droit public, fonctionne de mal en pis, ça craint ! Rien qu’à y penser, ma gorge se sert. Sans ce supplément de pension, je ne m’en sortirai pas financièrement.

La mission du facteur

C’est par un accord entre SFP (Service Fédéral des Pensions) et Bpost que le contrôle est attribué aux facteurs. Colette Durieux: « Le fait que les facteurs soient devenus contrôleurs pose de nombreuses questions. Le syndicat socialiste représentant Bpost a manifesté son désaccord. » Outre les représentants des facteurs, la société civile notamment Le gang des vieux en colère et la Ligue des Droits Humains, les Mutuelles et les CPAS, l’ensemble des partis politiques à part le MR et la NVA, tous ont exprimé leur désaccord avec cette directive. Malgré cette imposante opposition, la loi est maintenue car, d’après Bacquelaine, « Les contestations viennent d’une mauvaise compréhension du public et de problèmes de communication ». Si actuellement ces contrôles sont suspendus jusqu’à la fin de cette année, c’est dû à la pandémie.

Actuellement, selon les statistiques de l’IWEPS (Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique) au 1/6/2020 la Belgique compte 105.000 bénéficiaires de la GRAPA, le taux de bénéficiaires en Wallonie est de 5,46 %, à Bruxelles de 12,8 %, en Flandre, de 3,88 %.

Défenses des droits des personnes dépendantes de la GRAPA

Le « Gang des vieux en colère », mouvement citoyen indépendant, très actif, se bat pour « que les citoyens des générations futures puissent vieillir dans la dignité en ayant un accès décent à la santé et un montant de pension de retraite minimum garanti, digne, égal pour tous« . Les informations sur leurs actions sont à suivre sur le site : www.gangdesvieuxencolere.be

« L’atelier des droits sociaux » publie un dossier critique en accès libre sur son site www.atelierdroitssociaux.be : « La GRAPA : Les renforcements des contrôles des bénéficiaires âgés de plus de 65 ans ». Les personnes concernées peuvent prendre rendez-vous auprès de la spécialiste GRAPA : Colette Durieux tél: 02/512 02 90 à l’atelier des droits sociaux – Rue de la Porte rouge, 4 – 1000 Bruxelles

Nicole Tonneau

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