Faire la ville sans les gens ? Pour une refonte des politiques de participation à Bruxelles

Dans la foulée du nouveau Code Bruxellois d’Aménagement du Territoire (CoBAT), dix Plans d’aménagement directeurs (PAD) ont fait l’objet de séances d’information-consultation organisées tambour battant sur une période de… six jours ouvrables.

Elles doivent être suivies par des enquêtes publiques et des commissions de concertation. Nous – signataires de ce texte – souhaitons comprendre la fonction et l’utilité de ce cadre de « participation » proposé par le gouvernement bruxellois qui se révèle avant tout être une campagne de communication. Les citoyens doivent être consultés en amont mais aussi avoir le temps de s’y préparer et disposer de vrais moments de dialogue leur laissant l’opportunité de peser sur les prises de décision qui bouleversent leur cadre de vie.

Avec la réforme du CoBAT, le gouvernement bruxellois se félicitait que de grands projets « attractifs » puissent être mis sur pied de façon plus efficace via des organismes d’intérêt public (OIP) comme Perspective, qui le conseille en matière de développement territorial ou via la Société d’Aménagement Urbain (SAU) qui achète des biens, sélectionne des projets et encadre la maîtrise d’ouvrage. Mais, aux yeux de qui ces projets sont-ils « attractifs » ? À quels besoins répondent-ils ?

En mars 2017, Rudy Vervoort, Ministre-Président de la Région de Bruxelles-Capitale, déclarait que les réformes en projet ont pour objectif de « répondre aux attentes du secteur immobilier qui éprouve de grandes difficultés à développer des projets importants vu la longueur et la complexité des procédures urbanistiques et environnementales ». Les nombreuses modifications réglementaires et les pratiques mises en œuvre ces dernières années par le gouvernement bruxellois confirment une focalisation sur les « projets importants » et une centralisation du pouvoir en matière d’urbanisme au détriment d’enjeux essentiels pour la vie en ville. Agissant hors des balises d’un Plan régional de développement durable toujours en rade, la Région se préoccupe plus de répondre à l’ouverture de nouveaux marchés, et d’attirer de nouveaux capitaux que de « répondre aux besoins actuels de la ville », aux nécessités de ses habitants et de ses associations.

Nous – signataires de ce texte – voulons être associés à une autre façon de faire la ville, et nous comptons peser sur les décideurs par tous les moyens démocratiques qui nous sont accessibles. Les groupes d’habitants et les associations locales veulent donner un nouveau souffle. Un souffle qui d’ailleurs s’exprime déjà à travers nombreuses initiatives et pratiques citoyennes, manifestation du désir de prendre part à la définition et à l’organisation de son cadre de vie. Pour une reconnaissance des besoins dans leur complexité, mais aussi des capacités et des formes d’expertise différentes. Ce n’est qu’en prenant au sérieux leurs recommandations qu’il sera possible de faire en sorte que le développement de la ville soit « juste » ; c’est-à-dire moins suspendu aux flux de capitaux qui nous survolent qu’aux besoins sociaux et écologiques qui nous obligent. Le choix des partis politiques bruxellois revient aujourd’hui à savoir s’ils seront capables de prendre ce train en marche, ou s’ils préfèrent s’enfermer dans les schémas du passé, qui sont ceux qui nient la démocratie et inversent l’ordre des priorités : le tape-à-l’œil et l’attractivité urbaine avant les urgences sociales, culturelles et environnementales. Et si l’attractivité d’une ville était plutôt centrée sur la qualité de vie et les possibilités d’épanouissement créées par et pour ses habitants ?

Nous demandons au gouvernement de reprendre le fil de la démocratie urbaine en se dotant d’un projet de ville largement discuté au travers de l’élaboration d’un Plan Régional de Développement Durable répondant point par point et de façon étayée aux critiques fournies des habitants, des associations et de la Commission régionale de développement. Nous voulons une politique de développement territorial qui soit discutée dans les quartiers et non dans les bureaux des administrations de l’aménagement du territoire et les salons de la promotion immobilière. Nous voulons une politique où les citoyens sont consultés avant les promoteurs et associés en amont à l’élaboration des plans régionaux et communaux dans un cadre temporel propre à la démocratie. Nous voulons participer à l’évaluation des politiques publiques au-delà d’une délégation électorale et mettre un frein à la fuite en avant qui pousse un gouvernement à enchaîner les plans sans jamais faire le bilan débattu publiquement des précédents.

En l’état nous refusons de considérer que les habitants ont été consultés parce que 20 réunions ont eu lieu sur 10 PAD en l’espace de 6 jours. Cette cadence n’est pas digne du débat démocratique.

La version complète de ce texte et la liste des signataires sont en ligne sur :
www.ezelstad.be/2018/06/08/ville-sans-gens/

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