Eclairagesn°7

Du vide pour se remplir les poches

À Bruxelles comme ailleurs, de nombreux immeubles ou parties d’immeubles sont laissés inoccupés par leurs propriétaires. On estime entre 15.000 et 30.000 unités de logement vacantes (au moins le triple de la population de sans-abris de la capitale), sans compter les centaines de milliers de m² de bureaux inoccupés. Une situation intolérable lorsque tant de personnes rencontrent des difficultés pour se loger décemment. Le quartier des Marolles n’échappe pas à la règle. Pourtant, des alternatives existent…

On compte entre 30 et 60 immeubles vides (en tout ou en partie) dans les Marolles. Vu la situation du logement dans le quartier (envol des loyers, sablonisation, exil des familles ne pouvant plus se loger, nombreux sans-abris), c’est inacceptable !

La Ville et la Région disposent pourtant de nombreux outils pour lutter contre la vacance immobilière : amendes pouvant s’élever à plusieurs milliers d’euros, prise en gestion publique, vente forcée, ou même expropriation. Malheureusement, ces outils sont encore peu utilisés.

La première prise en gestion publique de la Ville date de 2016, rue des Fripiers. L’immeuble sera géré pendant 28 ans par la Régie foncière, avec des loyers équivalents au logement social. La Ville a également obtenu cette année la vente forcée d’un bien vacant, mais dans ce cas, les logements restent aux mains du privé, sans contrôle des loyers possibles.

Ces nombreux immeubles vides pourraient pourtant être transformés par les pouvoirs publics en logements accessibles pour les faibles revenus, par exemple en en prenant la pleine propriété pour en faire du logement social. Encore faudrait-il que le logement social lui-même ne laisse pas ses logements vacants, comme ce fut le cas pour les immeubles de la rue du Temple, laissés vides depuis de nombreuses années par Comensia. Cela témoigne du peu de moyens accordés à cette solution structurelle en matière de logement pour tous.

Le logement social n’est pas le seul opérateur public qui laisse des logements à l’abandon. Le CPAS de la Ville, propriétaire de nombreux immeubles dans le quartier, possède lui aussi des logements vides, par exemple au 332-342 rue Haute. Ils doivent être rénovés dans le cadre du Contrat de quartier, après plus de quinze années de vacance immobilière, et malgré plusieurs propositions de rénovation !

Une autre solution, moins pérenne et largement critiquable mais toutefois utile au vu du manque de volonté politique d’agir en faveur du logement social, est de convaincre les propriétaires de logements inoccupés de confier leurs biens à une Agence Immobilière Sociale (AIS). Ce système permet au locataire de payer un loyer proche des tarifs du logement social. Le propriétaire bénéficie quant à lui d’une rente assurée (y compris en cas de vide locatif) plus élevée que le loyer payé par le locataire, la différence étant comblée par un subside, et est exonéré du précompte immobilier. Il ne doit par ailleurs plus s’occuper de la gestion de son bien, celle-ci étant prise en charge par l’AIS pour la durée du mandat.

Prospecter le quartier à la recherche de logements vides, afin d’informer et de convaincre les propriétaires de les confier à une AIS, c’est l’une des missions que mène l’Union des locataires marollienne (ULM) depuis des années. Ils sont plusieurs à avoir ainsi confié leur bien à l’AIS Quartiers, partenaire de l’ULM. D’autres cependant refusent toujours de le faire, mais leurs biens sont dans la ligne de mire des pouvoirs publics. À bon entendeur… !

Une autre possibilité pour les propriétaires de bâtiments vides, est de signer une convention d’occupation temporaire avec un collectif ou une association. Attention toutefois à ne pas tomber dans le piège de l’occupation culturelle “branchée”, ni à créer une catégorie de logements échappant à toute norme minimale de salubrité ! La priorité doit être accordée dans ce cas au logement pour les plus exclus du marché du logement.

Difficile donc de justifier des vacances immobilières quand un si grand nombre de possibilités existent ! Sauf peut-être pour pouvoir démolir/reconstruire des logements de haut standing, après avoir laissé son bien se dégrader, profitant du vide pour se remplir les poches…

• Nathan

[Photo : Andrzej Krzyszton]

Plus d’infos sur la prise en gestion d’un bien par une AIS ou pour toute aide concernant le logement : ULM, 24 rue des Renards. 02/512.87.44

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