Café Capitale = pollution locale
Quand la tranquillité et la santé des voisins des Marolles ne vaut pas la satisfaction des clients du Sablon et de l’avenue Louise…
Vous habitez ou fréquentez le coin de la rue Haute et de la rue des Renards, et vous vous demandez d’où provient cette espèce de grand bruit d’aspirateur qui s’ajoute au va-et-vient des sirènes d’ambulance pour vous garantir une bonne dose de stress et une attaque en règle de votre ouïe ? C’est simple : ce bruit dont la répétition est difficilement supportable aux oreilles du commun des mortels, provient d’une petite cheminée d’évacuation, installée à environ 2 mètres du sol sur la rue des Renards, qui répand dans les environs une forte odeur âcre, de la fumée et des particules venant se déposer dans votre verre ou votre assiette si vous avez le malheur de vous asseoir à une des terrasses situées à proximité.
C’est la contribution à la vie de quartier de Café Capitale, une enseigne créée par François Lafontaine, l’initiateur des lucratifs Apéros Urbains, patron de 6 établissements à Bruxelles (inspirés, dit-il, « des cafés de hipsters de Berlin et de Londres » et de ses voyages d’affaires en Amérique centrale et dans le Pacifique) et employeur d’une quarantaine de « baristas »… « payés au lance-pierre » selon d’anciens d’entre eux, qui témoignent de conditions de travail pas franchement sympathiques – leur ex-patron filme les employés sur leur lieu de travail et enregistre leurs conversations avec les clients (et ceux-ci par la même occasion). Mais c’est une autre histoire…
François Lafontaine, donc, a ouvert il y a deux bonnes années une antenne dans les Marolles : une pièce exiguë avec un petit comptoir moderne, trois-quatre tables dépareillées et de bons cafés à la carte (premier prix : 2,60€ l’espresso). Ouvert seulement le week-end, l’endroit ne sert pas tant comme lieu de consommation que comme mini-usine de torréfaction destinée à fournir tous ses points de vente. Ses cinq autres enseignes, situées dans des quartiers plus chics (avenue Louise, rue Royale, rue du Midi et deux au Sablon), n’ont pas eu cette chance… Et comme il faut ajouter à ce rendement toutes les commandes de clients externes, la machine à torréfier tourne à plein régime, n’importe quel jour de la semaine et parfois jusqu’en soirée. Si vous habitez dans les parages, comme c’est mon cas, vivre les fenêtres fermées ne suffit pas à s’en protéger. Et être grand amateur de café n’y change rien : les émanations de torréfaction donnent la nausée, et certains voisins se plaignent d’avoir leurs voies respiratoires bouchées. Est-ce dû aux particules de diacétyle, un composant organique du café pouvant être toxique en cas d’inhalation sur de longues périodes ?
Quoiqu’il en soit, François Lafontaine ne veut pas déplacer sa cheminée d’évacuation. Trop cher, dit-il. La somme, dérisoire en comparaison de la valeur des ses machines à café (16.000€/pièce, annonce-t-il dans la presse), l’est encore plus en regard de sa machine à torréfier ultra-moderne. Une chose est sûre : en plus d’être polluante, son installation est illégale. Après plus de deux ans de pollution, la Ville de Bruxelles semble vouloir imposer à François Lafontaine le respect du b.a.-ba des règles urbanistiques, qui obligent à placer ce genre de cheminée au-dessus des habitations. On ne peut toutefois s’empêcher de se demander : combien de temps un tel mépris des règles et des habitants aurait duré au Sablon ?
• Gwenaël Breës