n°3Portraits

Vu de logemente moete zalen de prioriteit geven on de sukkelaers van de Marolles

Lors du second “forum citoyen”, organisé par la Ville le 5 septembre dernier pour que les habitants puissent donner leur avis sur le Contrat de quartier des Marolles, il y a eu plusieurs interventions intéressantes. Mais une m’a profondément marquée, c’était celle de René, un habitant historique, victime de la gentrification.

René est né dans les Marolles, il y a 60 ans. Il a commencé à travailler à 13 ans et demi, dans une usine d’armement à Anderlecht et a ensuite travaillé comme ouvrier (notamment comme plongeur-soudeur sur des plateformes pétrolières) et routier international. Il a dû quitter son appartement rue Haute, suite à un préavis, et n’a jamais pu retrouver un logement à un loyer abordable dans le quartier, mais il y revient tous les jours car il y est viscéralement attaché. Ses deux plus jeunes enfants, Océane, 18 ans et Billy, 14 ans vivent avec lui. Il insiste sur le fait qu’il est né à Saint-Pierre, dans les Marolles, qu’il veut revenir y vivre et y mourir.

Le 5 septembre, il disait des choses qui étaient au cœur du problème (l’impossibilité, pour les “pauvres Marolliens” de se loger dans les Marolles à cause du prix des loyers) mais surtout il le disait en bruxellois (on ne parle plus le marollien depuis bien longtemps nous a-t-on expliqué, mais plutôt le bruxellois…) et avec une langue directe et non policée, à l’extrême opposé de la langue du pouvoir, celle qu’on ne comprend qu’après avoir avalé une tonne d’aspirine et si on a bien le temps de lire tous les articles, ordonnances, et autres textes abscons/incompréhensibles/chiants publiés pour bien nous enfumer… et nous donner finalement l’envie de ne rien comprendre du tout, la meilleure manière de se faire avoir.

Donc je me suis dit que cela valait la peine de publier dans le Pavé ce qu’a dit René, en français (pour que tout le monde puisse bien le comprendre) et en bruxellois (pour profiter de cette belle langue, truculente et populaire, tant qu’il y a encore quelques personnes qui la parlent) :

J’en ai marre que les politiciens se partagent le pognon. S’en mettent plein leurs poches, comme Mayeur et Peraita avec le Samusocial. Ce sont des arrangeurs : il faut qu’ils remboursent cet argent.
Ik heb moine gusting van dat de politiekers dat ze onze poen verdiele. En ze steke al de poen in heule zake steke, zoals Mayeur en Peraita met de samu social. En ze zijn zakerollers : ze moeten dane poen terug geve.

On n’a pas besoin de fleurs.
Wij emme gien bloemen vandoen.
Parce qu’on ne les mange pas.
Wijle frette gien bloemen op.

Les fleurs c’est pour les cimetières.
Dij bloemen zijn vu het kerkhof.

On n’a pas besoin de belles façades.
Wijle hebbe gien schoene façades vandoen.

On va se mettre tous sur la même égalité les pauvres ensemble.
Wijle boete op hetzelfde egaliteit zijn als de sukkelaers te zoemen zijn.

Pour le logement il faut donner la priorité aux pauvres des Marolles.
Vu de logemente moete zalen de prioriteit geven on de sukkelaers van de Marolles.

Il faut donner du logement aux Marolliens qui ont dû partir parce que les loyers sont trop chers.
Ze moete logemente geven on de marolliens die moesten vetrekken want de loyers zijn te duur.

Et parce qu’ils n’arrivent pas à trouver un logement social.
Omdat ze gien logemente social kunnen vinne.

Pour les politiciens on est des pions.
Voor de politiekers zijn wijle pions.

Ils jouent avec nos pieds et c’est nous qui payons les pots cassés.
Ze spijlen met onze voeten en weile betoele de vaas da kappot is.

Les ministres gagnent trop.
De ministers verdiene te veel.

Ils se partagent le magot.
Ze verdielen de magot.

Ils ont des voitures avec chauffeur.
Zij hebbe coeche me chauffeur.

Le quartier, depuis quelques années, descend la pente des montagnes.
Het kotier dat is al enkele joure den bergaf af.

Au lieu de mettre les fleurs il faut mettre des panneaux solaires pour que les gens fassent des économies d’énergie.
Ploes van bloemen te zetten zulle ze beter zonne paniele zette. Vu da de mensen energie bespoeren.

La TVA a augmenté de 6% à 21 % de TVA aussi bien pour les riches que pour les pauvres (pour les factures d’énergie e.a. NDR).
Den TVA is no de huete gegoen van 6% nog 21% zuwel vu de rijke dan vu de sukkeleirs.

On se demande où tout cet argent de la TVA va, il n’y a personne qui le sait.
Woe goed dane poen noe to. Niemand wet dat.

Il faut que cela redevienne comme avant.
Da moet gelijk vruger zijn.

On le mérite : on est un vieux quartier populaire.
Wijle meriteire : da omdat wijle een oud Kotier populair zijn.

On en a marre de courir comme des clochards.
Wijle heme er genoeg van zuals clochards rond te luppe.

Voilà ce que disait René, peut-être qu’il a ajouté certaines choses, quand on s’est revu, au Petit Lion, pour écrire cet article, mais ce n’est pas grave, l’important est dit et bien dit.

• Manu

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