Oum Kalthoum – Le tarab, l’émerveillement
De temps à autre, je trouve au Vieux Marché de la musique dont l’intérêt artistique est doublé d’une histoire. On en partagera quelques-unes dans cette rubrique.
« Je peux vous assurer que plus j’avance en âge et plus je crains le public. J’ai peur de lui. À chaque fois que le rideau se lève, mes mains transpirent. Et voila pourquoi je tiens un mouchoir à la main. À mes débuts je n’avais pas peur du tout. Je n’avais pas conscience de ce qui pouvait se produire entre le public et moi, alors de quoi allais-je avoir peur? Cette peur, c’est une façon de respecter le public ». La première audience d’Oum Kalthoum fut sa poupée. Oum lui récitait alors les leçons apprises en cachette que son père, imam et chanteur de récitals durant les fêtes religieuses, enseignait à son fils. Le deuxième auditeur d’Oum fut ce même père qui, lorsqu’il la surpris en train chanter, se tut et attendit la fin du morceau tout en prenant conscience du don de sa fille. De là tout s’enchaîne. Habillée dans un premier temps en garçon pour cacher sa féminité vis à vis des craintes que son père éprouvait pour elle, Oum finit par débarquer au Caire, pris son envol et conquit petit à petit le monde arabe. On perçoit un énorme respect entre celle-ci et son audience qui ne manquait pas de superlatifs pour nommer celle qu’ils appelaient entre autres la quatrième pyramide. Ses deux concerts à l’Olympia de Paris, les deux seuls en dehors de pays de langue arabe, se terminèrent par exemple à près de 4 heures du matin. Trois morceaux de 1h30 chacun y furent interprétés ! Lorsqu’on écoute sa musique, on est frappé par l’intensité de celle-ci, par sa relation avec ses auditeurs qui l’acclament à la retombée d’une envolée musicale. On finit par atteindre avec eux le « tarab » , une sorte d’extase, d’émerveillement musical.
Romain

