Les Archives de la Ville de Bruxelles
Au n°65 de la rue des Tanneurs, en face de la rue Saint-Ghislain, on voit ce long bâtiment d’inspiration néoclassique, portant au fronton l’inscription : Archives de la Ville de Bruxelles – Archief van de Stad Brussel. Un porche donne accès à une cour intérieure et vous invite à pousser la porte d’une machine à remonter le temps…
Ici se trouvait jadis le refuge de l’abbaye bénédictine de Gembloux. Ce bien du clergé fut mis en vente publique en 1794, et affecté de 1809 à 1905 à une tannerie (on se trouve bien rue des Tanneurs !). Ensuite les bâtiments furent notablement agrandis à l’arrière pour abriter jusqu’en 1976 un des plus importants commerces en gros de tissu de Belgique, les établissements Jules Waucquez.
En 1975, lors de la visite de routine des pompiers, le commandant Hermans constate que le magasin recèle de beaucoup moins de marchandises que d’habitude. Il s’en inquiète auprès du patron qui lui fait part de l’intention des dirigeants de liquider l’affaire, devenue peu à peu obsolète suite à l’avènement de l’industrie du prêt-à-porter, entraînant la disparition de la clientèle des tailleurs et des couturières. Hermans rapporte cette nouvelle au bourgmestre de la Ville, sachant que ce dernier cherchait un endroit pouvant centraliser l’ensemble de la très riche collection d’archives communales. Celles-ci étaient entreposées à l’Hôtel de Ville et dans des dépôts annexes : au Palais du Midi, dans les sous-sols des anciennes Papeteries de Belgique, rue de la Grande Île et dans ceux de la Halle des Producteurs, boulevard du 9ème de Ligne et enfin dans les caves de l’ancienne maison communale de Laeken. Le 30 novembre 1976 la Ville acquiert les bâtiments Waucquez au prix de 56 millions de francs et les met à la disposition du service des Archives, qui ouvre son nouveau dépôt le 14 février 1979.
Les Archives de la Ville de Bruxelles ont pour mission de sauvegarder les documents produits par l’administration communale depuis le Moyen Âge jusqu’à nos jours, quel qu’en soit le support (parchemin, papier, photographie, support électronique…). Le service récolte et conserve également de nombreux documents (brochures, flyers publicitaires, etc.) aussi futiles ou modestes soient-ils, afin de transmettre aux générations futures une image fidèle et complète de la vie bruxelloise dans ses aspects les plus divers.
D’un abord assez austère, l’institution s’est largement ouverte au public à partir du milieu des années 1990, notamment grâce à l’action de sa conservatrice adjointe Thérèse Symons, bénéficiant du soutien total de l’archiviste-conservatrice en chef Arlette Smolar-Meynaert. D’importantes campagnes de numérisation ont été entreprises, et bon nombre de documents sont maintenant disponibles en ligne.
En salle de lecture sont consultables sur écran les albums iconographiques, les registres paroissiaux, les registres de la population, tous les numéros du journal Le Soir…
Almanachs du commerce
Ancêtres de nos annuaires téléphoniques, les Almanachs du Commerce et de l’Industrie se composent de listes alphabétiques des habitants avec leur adresse, mais aussi des habitants classés par profession, et par rue, et ceci pour toute l’agglomération bruxelloise. On peut ainsi aisément retrouver une activité professionnelle dont on connaît l’adresse, ou retracer la liste des occupants d’un immeuble. De plus, la collection allant de 1820 à 1969 est maintenant digitalisée, et peut être consultée à distance.
Cherchant à dater l’année de construction de la nouvelle maison d’un ami parti se réfugier à Saint-Gilles pour échapper à la touristification des Marolles, j’ai ainsi pu réaliser que la rue qu’il habitait désormais n’était pas encore bâtie en 1906. Sa maison n’apparaît qu’en 1910, et était occupée par un louageur (métier disparu qui consistait à donner en location des voitures à cheval). Son voisin était receveur au tram. C’est là qu’on touche de près le développement incroyable de faubourgs comme Laeken, Schaerbeek, Saint-Josse, Ixelles. Fin XIXème – début du XXème siècle, il se construisait dans l’agglomération bruxelloise jusqu’à 12 km de rues nouvelles chaque année !
Bulletins communaux
Les Bulletins communaux de la Ville de Bruxelles contiennent les procès-verbaux des séances du Conseil communal depuis le XIXème siècle. On peut y suivre dans le détail les débats de nos édiles communaux. Les Bulletins imprimés ont fait l’objet d’une campagne de numérisation par les Archives. Ils sont consultables à l’aide d’un moteur de recherche.
Leur lecture intensive a un côté soporifique qu’on peut recommander aux insomniaques. Il y a des escarmouches, des remarques perfides, mais l’action est lente, et on ne comprend pas toutes les allusions (normal, il n’y a pas de scénariste). Mais au détour d’une page, il arrive que l’on tombe sur une pépite comme celle-ci : un conseiller communal peste d’avoir été retardé par un tram alors qu’il circulait en automobile dans une rue étroite : « On sera bientôt empêché de circuler ! » s’exclame-t-il. Le plus étonnant, c’est que ses collègues approuvent. Et c’est ainsi que l’on se rend compte de l’air du temps : fin des années 1950, les tramways étaient accusés de créer des embouteillages ! Tout devait faire place à l’automobile. C’était moderne. Concordance des temps…
Généalogie
Les Archives de la Ville sont le passage obligé pour les recherches des généalogistes. Le préposé de la salle de lecture et un archiviste peuvent guider les personnes débutantes. Les principaux outils à leur disposition sont les registres paroissiaux, les actes d’état civil, les registres des recensements de population. Toutefois le service des Archives n’effectue pas de recherches généalogiques pour des tiers. Le service fournit des renseignements généraux et indique s’il y a des données concernant une recherche.
Rechercher les plans d’un bâtiment
Le fonds des archives des travaux publics (urbanisme) est conservé. Celui-ci comprend l’ensemble des dossiers de permis de bâtir introduits à Bruxelles depuis le XIXe siècle. Ces documents font état de la situation originale ainsi que des modifications successives d’un immeuble. Ils sont donc une source d’information primordiale pour l’histoire de l’urbanisme à Bruxelles.
Donner ses archives
Les Archives de la Ville de Bruxelles acceptent des dons d’archives des habitants, des associations ou des entreprises de la commune. Ces sources privées enrichissent les fonds, elles complètent les archives publiques et apportent de nombreux renseignements sur les modes de vie et sur l’histoire économique et sociale de Bruxelles. Qu’il s’agisse de photographies, de vieux papiers, d’imprimés, de plans, de correspondance, de films, d’affiches ou de cartes postales, d’origine familiale, associative ou issus d’activités professionnelles, tous ces témoignages intéressent les Archives. Trop de documents et de traces d’histoire disparaissent malheureusement lors d’un déménagement, d’un décès, d’une cessation d’activité !
Bref, l’institution mérite une visite. Le hall d’entrée vous met immédiatement dans l’ambiance : à gauche, les anciens guichets de la firme Waucquez, devant vous la cage d’escalier en bois, entourant un ascenseur ancien (classé) de la firme Jaspar (Liège). Le mobilier d’époque a été très largement conservé. Les hauts rayonnages qui portaient naguère les rouleaux de tissus abritent maintenant les collections d’archives. Les longues tables servant à découper les tissus permettent maintenant de déplier des grands plans. Le bâtiment continue sa vie.
Patrick Wouters
Site des Archives de Bruxelles : https://archives.bruxelles.be