ChroniquesI Love Pianocktailn°4

Le Pianocktail : quand notre cœur fait boum !

Depuis le 25 mai, le volet du Pianocktail connaît quelques soubresauts. Coincé entre le royaume de la chaussure et le temple de Popo et ses saveurs africaines, le 304 rue Haute abrite l’unique Pianocktail de Bruxelles… mais pas que…

Le Pianocktail est un bistrot culturel, lieu de rencontres et de convivialité ouvert à tous et toutes, où s’expérimente quotidiennement la force d’être ensemble plutôt que seul dans la ville anonyme. Né de la rencontre entre une institution en santé mentale et un collectif citoyen, le Pianocktail a choisi de poser ses valises au cœur des Marolles, espace de luttes sociales historiques. La vie du Pianocktail est organisée par des personnes qui ont fait le choix d’un investissement personnel et qui, de près ou de loin sont particulièrement sensibles à tout ce qui touche à la santé mentale. Véritable terreau d’une expérience démocratique d’autogestion, de création, de participation à la réalité d’un quartier, c’est aussi un espace-temps singulier : là où, ailleurs, certaines choses, certains comportements ne sont pas admis, le Pianocktail accueille les personnes telles qu’elles sont et offre une présence où le mal-être, la bizarrerie, la folie peuvent aussi exister.

Le lieu se veut un pied de nez à tous les stéréotypes : celui du fou à protéger, du marginal incapable,… et c’est de ce principe qu’il est né. C’est ainsi que, depuis la naissance du Pianocktail, l’assemblée participative (publique) en a toujours été le pivot, contribuant à ce qu’en émanent des initiatives, des activités où chacun peut s’essayer, se reconstruire, fabriquer du lien, tant au sein de l’endroit qu’avec le quartier dans lequel il a pris racine. On peut parler d’un « pouvoir », autre que celui qui est subi, qui contraint et qui emprisonne, mais d’un pouvoir qui devient alors une réelle « possibilité de… ».

Le 13 mai, le Pianocktail clôturait 3 jours de festivités pour ses 8 ans d’existence. Le 18 mai, les festivités à peine terminées, survenait un événement abrupt qui menace son existence. Notre bailleur, le CPAS, nous a fait parvenir un courrier mettant fin au bail du Pianocktail en date du 30 septembre 2018. Quelques phrases, pas plus, signées du département des propriétés du CPAS, qui peuvent foudroyer en 3 mois un projet d’autogestion élaboré pendant 8 ans. Aucune explication, aucune réponse jusqu’à présent à nos tentatives de dialogue.

« Quelle que soit votre situation, soyez certains de notre motivation, de notre dynamisme et de notre écoute à votre égard. Ensemble, nous tenons à faire le maximum pour vous garantir un avenir meilleur », dit pourtant Ahmed El Ktibi lorsqu’il présente le CPAS sur le site de la Ville de Bruxelles. C’est donc ça qui a été choisi comme avenir meilleur pour le Pianocktail et le quartier des Marolles ? Prioriser le visible, une image lisse de tout un quartier et oublier la magie de l’invisible ou plutôt de ce qui n’est tangible que lorsqu’il y a rencontre ? Réduire à néant ce laboratoire de liens, ce lieu si particulier où s’est lentement construite une autogestion qui relève presque de l’intime, tentant au mieux de tenir compte du collectif et de ses individualités ? C’est qu’à faire vivre notre utopie, nous avions presque oublié qu’elle avait des frontières, que d’autres entités existent avec leur propre langage.

Le 5 juin, le grillage du n°304 rue Haute s’est relevé, un soubresaut qui permettra peut-être que le cœur du Pianocktail se remette à battre. Plus de 20 personnes ont répondu à l’appel de cette assemblée participative de tous les possibles : des bénévoles mais aussi des habitants du quartier qui y ont leurs habitudes, des habitués venant de plus loin. Le Pianocktail n’est pas mort, sa force vitale reprend. Si d’autres systèmes que le nôtre ont leur propre langage, on trouvera un langage commun !

En quelques jours, c’est un rendez-vous obtenu avec le CPAS, “PsylenceRadio” qui y consacre une émission sur Radio Panik, le “Pavé dans les Marolles” qui permet de faire exister ces mots, des habitants des Marolles qui les lisent, et peut-être un Pianocktail qui pourra se remettre à jouer. Des réponses, espérons-le, lors de l’assemblée du mardi 26 juin à 19h où nous vous donnons rendez-vous !

Les occupants du Pianocktail

www.pianocktail.be
Contact : lepianocktail.bruxelles@gmail.com

(photo : Sandrine Convens)

2 réflexions sur “Le Pianocktail : quand notre cœur fait boum !

  • Je crois que nous venons de traverser une période au cours de laquelle on a laissé de trop nombreux enfants, de trop nombreuses personnes se dire : « Je rencontre une difficulté, c’est au gouvernement de faire le nécessaire ! », « Je rencontre une difficulté, je vais aller réclamer une subvention pour m’en sortir ! », « Je vis dans la rue, c’est au gouvernement de me trouver un logement ! » Et donc, ces personnes en viennent à reporter leurs problèmes sur la société. Mais la société, c’est qui ? Ça n’existe pas ! Il y a des hommes et des femmes, il y a des familles, et aucun gouvernement ne peut faire quoi que ce soit, si ce n’est à travers les gens. Mais les gens s’occupent d’eux-mêmes avant tout. (…) Les gens pensent trop à leurs droits sans réfléchir à leurs obligations. Or vous ne pouvez pas disposer d’un droit sans qu’une autre personne ait respecté une obligation.
    Margaret T. (Londres)

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    • rigaux

      Bonjour Margaret T.,
      j’ai lu attentivement votre pensée sur « Le Pianocktail: quand notre coeur fait boum! » mais j’ai quelques difficultés à pouvoir vous répondre, y voyant plutôt une réflexion sur votre vision du monde et de ses individualités. Je ne parviens pas à percevoir le lien avec votre pensée sur ce qu’il se passe pour le Pianocktail. Si vous pouvez m’éclairer, je serais ravie de vous répondre.
      D’avance, merci!
      Aline

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