Jean-Pierre Rostenne nous manque

« Tout va bien… sauf ce qui ne va pas », avait l’habitude de dire Jean-Pierre Rostenne. Selon une notice biographique qu’il a lui-même rédigée, Jean-Pierre est né sur la terre le 13 juillet 1942 à 5 heures du matin. Entré le 14 juillet de la même année en Philosophie et Lettres au Massachussetts Institute of Technology, il en est sorti le 15 avec trois doctorats : médecine, physique et poésie. Né plus probablement à Etterbeek et issu d’une histoire familiale compliquée, il emprunte rapidement les chemins du voyage, de la poésie, de la philosophie, de l’art et de l’amour : cet « indien qui ne marche pas en file indienne » roule sa bosse au Brésil, au Congo, à Kinshasa, en Suisse, en Italie, en France, en Allemagne ou en Angleterre… Débarquant en 1968 au Vieux Marché, il devient brocanteur, bouquiniste, se fait connaître internationalement pour sa connaissance encyclopédique des cartes postales, et se spécialise dans les chiffres, les religions et l’ésotérisme.

Fumeur invétéré à l’appétit de moineau, vivant entouré d’objets et dormant littéralement au milieu de ses livres, Jean-Pierre éprouve toutes les difficultés du monde à s’accommoder des règles des maisons de repos marolliennes où il se retrouve suite au décès de sa femme Marie Milouda et de la fermeture de leur magasin au n°289 rue Haute (devenu aujourd’hui une wasserette). Collectionneur compulsif, il se met à concevoir de magnifiques cannes et des costumes chaque jour différents, avec lesquels il arpente inlassablement les rues des Marolles, tel un mage. « Au moins je ne fais de tort à personne : je ne fais que mettre ensemble ce que d’autres éparpillent. » Ce qui n’est pas tout-à-fait de l’avis du home où il entre fin 2015 : certains gradés du personnel de Sainte-Gertrude n’y voient pas de l’art, jugent le bonhomme encombrant et lui font sentir qu’il est indésirable. Ils mettent plus d’énergie à trouver une manière de se débarrasser de lui qu’à se soucier de son bien-être, l’envoient « provisoirement » à l’hôpital Saint-Jean, où Jean-Pierre se retrouve loin de son quartier et interdit de sortie, perdant le lien social vital, la chaleur humaine et la poésie nourrissant son art, qu’il entretient de longue date avec les Marolles. C’est à Saint-Jean qu’il attrape, le 20 février 2017, une pneumonie qui lui est fatale.

Jean-Pierre et sa fantaisie nous manquent. Il reste dans nos mémoires et il arrive souvent qu’on croit voir sa silhouette grimper une des petites rues du quartier. Il a laissé plein de cannes, de poèmes écrits sur des bouts de papiers, des peintures et un nombre incalculable de photos de lui prises par des passants ou des habitants du quartier. Un groupe d’amis, formé autour de lui dans les dernières années de sa vie, est en train de préparer pour 2018 une expo et une publication autour de cette œuvre éparpillée. Alors, si vous avez chez vous des cannes, photos, peintures, textes, poèmes, cartes postales, bijoux, installations, canards, cartons ou autres traces de Jean-Pierre Rostenne, contactez-les !

• Gwenaël Breës & Jeanne Boute

www.facebook.com/jprostenne

Un jour, au Congo, je marchais avec des amis, il y a un vieux qui m’appelle et je m’arrête, et je vais vers lui, et il arrive et il me donne un œuf ! C’est un cadeau fabuleux, le plus beau cadeau qu’on puisse donner ! Parce que c’est la vie ! L’œuf, un œuf, ah ah ! C’est le retour éternel, symboliquement c’est tout à fait extraordinaire ! Tu vois Laurence, tout est rond, les yeux sont ronds, les globules sont ronds, la tête est ronde, la terre est ronde, et nous, nous habitons des maisons carrées.
(Jean-Pierre Rostenne, extrait d’un entretien avec Laurence Vielle pour le théâtre des Tanneurs)

3 pensées sur “Jean-Pierre Rostenne nous manque

  • 10 décembre 2017 à 14 h 59 min
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    Merveilleux.l’humanité au vrais sens du mot
    Un grand merci
    Leen

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  • 14 décembre 2017 à 11 h 31 min
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    J ai des cartes de jeux et des dedicaces de jean pierre.comme j habite rue haute 165 on se voyait au cafè.il me manque aussi.patrizia mollica
    Tel 0486 935858

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  • 24 février 2018 à 21 h 06 min
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    c’est bon de penser à lui, de ne pas l’oublier. il symbolise pour moi la liberté et le droit au respect de la singularité et par là, la lutte contre un monde formaté. je pense aussi à d’autres personnes du quartier, plus discrètes que cette expo pourrait valoriser…

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