Destruction du Palais du Midi : un choix politique irresponsable et méprisant !
Appelée Thoots Thielemans en raison de sa proximité avec le quartier des Marolles où naquit le célèbre harmoniciste, la future station de métro construite à l’avenue de Stalingrad ne cesse de faire des dégâts. Le 8 juin, la Région bruxelloise, ardemment soutenue par la Ville de Bruxelles, a décidé de démolir le Palais du Midi, devenu un obstacle au déroulement du chantier. Plusieurs groupes et associations, dont le Pavé dans les Marolles, ont signé un communiqué rappelant qu’il s’agit d’un choix politique et non technique, pris dans une grande opacité et qui signe la mise à mort d’un quartier.
« Le scénario retenu présente la seule solution envisageable en termes techniques, financiers et de délais de chantier ». C’est avec ces mots que le Gouvernement bruxellois, par la voix de Rudi Vervoort, a scellé le sort du Palais du Midi et du quartier qui l’entoure. Après avoir parlé de « démontage de la toiture », c’est aujourd’hui d’un « démantèlement » dont il est question. Les mots « destruction » et « façadisme », qui décrivent mieux la décision qui a été prise, ont manifestement du mal à être assumés en cette période préélectorale. Peut-être parce qu’ils évoquent de douloureux souvenirs d’un urbanisme qu’on pensait révolu ?
Rappelons qu’il a fallu plus d’un an pour que le blocage du chantier sous le Palais du Midi soit rendu public par les autorités. Pendant ce temps, plusieurs solutions ont été étudiées par la STIB et le Gouvernement. Trois d’entre elles étaient officiellement sur la table du Gouvernement jeudi dernier.
La STIB l’indique clairement dans une note qu’elle a rédigée, la technique initiale de réalisation du tunnel via le Jet Grouting n’est nullement remise en cause et permettrait de continuer le chantier sans démolir le Palais ! Le blocage n’est donc pas technique, mais se joue dans les relations entre la STIB et le consortium d’entrepreneurs qui réclame plus d’argent et de délais que prévu. Plutôt que d’aller au bout du litige et de faire valoir ses droits, le Gouvernement régional et la Ville de Bruxelles ont décidé de détruire le Palais du Midi pour accélérer la mise en œuvre du métro 3 et mettre fin, à grands frais, au conflit avec l’entrepreneur. Ce dernier, s’il participe au chantier de destruction, profitera même d’un nouveau marché à prix plus élevé que le marché initial !
Plus rapide et moins cher, le scénario de la destruction ? Rien n’est moins sûr, car de nombreuses inconnues demeurent… Les coûts annoncés intègrent-ils la reconstruction du bâtiment ? Le consortium d’entrepreneurs, que la STIB prétendait responsable sur le plan technique et financier, participera-t-il au surcoût ? La Ville de Bruxelles va-t-elle cofinancer le nouveau Palais du Midi, au détriment d’autres dépenses ? Le Palais du Midi va-t-il être reconstruit à l’identique ou fera-t-il l’objet d’un nouveau projet ? Dans combien d’années sera-t-il rebâti ? Avec quel programme d’activités ? Les délogés d’aujourd’hui seront-ils encore les bienvenus demain ? Quelles garanties et quelles aides leur seront-elles données pour passer le cap ? Il paraît en tout cas difficile de croire que la Ville de Bruxelles ne réalisera pas une opération immobilière pour rentabiliser ce coup du sort…
Arrêtons les frais !
Démolir le Palais du Midi n’est pas une solution technique inévitable. C’est un choix politique de la Région et de la Ville de Bruxelles. Un choix irresponsable qui est dû à une grave erreur commise par les auteurs du projet, mais dont l’impact énorme pèsera avant tout sur les usagers du Palais du Midi, sur les habitants et commerçants de l’avenue de Stalingrad et du boulevard Lemonnier, sur tout le tissu socio-économique de ce quartier déjà lessivé par des années de chantiers intempestifs (la Ville de Bruxelles a-t-elle même la moindre idée du nombre de faillites depuis le début du chantier ?).
Les commerçants du Palais du Midi seront les premiers impactés, mais aussi les premiers dominos d’une réaction en chaîne qui bouleversera complètement l’équilibre d’un quartier qui vit autour de ce bâtiment qui outre 35 commerces, abrite également 37 clubs sportifs avec près de 3.000 affiliés, ainsi que la Haute École Francisco Ferrer, soit 1.200 élèves. Autant dire que pour le quartier, il s’agit d’une véritable mise à mort économique et sociale qu’aucun patch financier ne pourra combler, surtout en termes de dégâts sociaux, totalement absents des calculs du Gouvernement et de la STIB…
Alors qu’Elke Van Den Brandt annonçait il y a quelques semaines que la décision relative au Palais du Midi serait « prise en concertation étroite avec la Ville de Bruxelles, les riverains, associations, commerçants et autres usagers du Palais du Midi », il n’en a rien été, les réunions ont eu lieu entre les cabinets politiques et la Ville de Bruxelles. Si les commerçants du Palais du Midi ont bien été convoqués le lendemain de l’annonce, à la fois par la Secrétaire d’État Trachte et les ministres Van Den Brandt et Maron en après-midi et par Rudi Vervoort et Philippe Close en soirée, les usagers, riverains et autres commerçants du quartier faisant partie du « panel Toots Thielemans », se sont vus conviés, à peine 24 heures à l’avance, à une réunion d’information (sur une décision déjà prise) se déroulant… sur Zoom ! Quelle belle leçon de courage politique et de participation citoyenne.
Détruire le Palais du Midi… en pensant que cela se fera d’un claquement de doigts, c’est aussi se méprendre sur la difficulté de concilier un tel chantier avec le respect du patrimoine bruxellois. La CRMS a d’ores et déjà alerté sur les dangers d’une telle intervention qui risque de fragiliser voire de détruire des éléments essentiels de la composition du bâtiment (ses galeries notamment). Pour tenter d’éviter ce désastre, l’ARAU, de son côté, a annoncé qu’elle déposera une demande de classement du bâtiment, intérieurs compris.
Il n’y a pas d’autre choix, vraiment ?
Détruire le Palais du Midi n’est pas une solution technique inévitable, c’est le résultat d’une série de choix politiques :
- Le choix de lancer ce chantier du métro 3 en dépit du bon sens en commençant les travaux sur le tronçon sud, créant dès aujourd’hui des dommages irréversibles au bon fonctionnement des transports publics actuels sans que l’on sache quand la ligne complète pourra être inaugurée, ni même si elle verra réellement le jour.
- Le choix de confirmer la création de la station Toots Thielemans malgré les études alertant des difficultés géotechniques liées au sous-sol marécageux et les avis de différents experts tirant la sonnette d’alarme, mais aussi de délivrer les permis le plus vite possible… 48 heures avant les précédentes élections afin d’éviter tout retour en arrière.
- Celui, enfin, de persévérer coûte que coûte dans la construction d’une infrastructure de mobilité qui cumule les problèmes sur les plans sociaux, environnementaux et économiques, sans aucune garantie que le tronçon nord (Gare du Nord-Bordet) pourra être réalisé, notamment d’un point de vue financier.
Certes, un abandon du métro 3 aujourd’hui engendrerait des pertes financières très importantes, mais presque anecdotiques au regard d’un projet global estimé aujourd’hui à plus de 4 milliards d’euros.
On peut dès lors aisément démentir le slogan de « la seule option possible » et la stratégie du Gouvernement bruxellois qui ressemble à s’y méprendre aux plus belles heures de la bruxellisation. Il existe d’autres choix. Dont celui d’assumer les erreurs commises, de communiquer de façon honnête et transparente, de reconnaître la nécessité de stopper les travaux, de remettre la voirie en l’état, de préserver l’équilibre du quartier et d’étudier des projets alternatifs de mobilité respectueux du cadre urbain et humain.
Nous demandons :
- L’arrêt du chantier pour la station Toots Thielemans et la réhabilitation immédiate des voiries sur Jamar, Stalingrad, Lemonnier,…
- Une investigation sur les torts partagés des entrepreneurs privés et des pouvoirs publics dans ce dossier.
- Une évaluation des promesses non tenues envers le quartier fixées dans les Pactes (la gestion de la propreté, horaires des travaux, nettoyage, indemnisations…).
- Une étude indépendante sur la faisabilité du projet d’alternative au projet de métro 3, Prémétro + porté par la Plateforme « AVANTI ! ».
Signataires : ARAU • Association de Comités de Quartier Ucclois (ACQU) • Association des commerçants de Stalingrad-Lemonnier (STALEM) • BRAL • Comité d’Habitants Saint-Gilles-Midi • Dérive • Inter-Environnement Bruxelles (IEB) • Le Pavé dans les Marolles • Midi moins une ! • Quartier Nord • Sauvez le square Riga • Save Tram 55